Chronique Album
Date de sortie : 18.02.2013
Label : Tough Love Records
Rédigé par
Jeremy Leclerc, le 22 février 2013
Imaginez l’Irlande du Nord. Imaginez Belfast, et les quartiers populaires, cimetières de bétons en camaïeu de gris où sont enterrés les espoirs de plusieurs générations. Le paysage de ces quatre Irlandais est balayé par les pluies et l’horizon ressemble à un cul de sac. L’enfer c’est le néant. Quand la vie est coincée dans une telle boite d’allumette, il y a généralement plusieurs solutions. Elles ont souvent le même objectif : se sortir le cul du brasier le plus vite possible. Certains choisissent d’étudier, quand ils le peuvent. D’autres prennent la voie rapide, celle qui mène à commettre des petits délits, avant les plus gros, avant les emmerdes, car elle leur semblait être la seule valable. Il existe une autre catégorie de personnes. Ceux-là choisissent de se noyer dans la musique et de monter un groupe. En 2009, Neil Peel et Cathal Cully ont choisi : ce sera la musique. Ainsi naquit Girls Names.
Après un EP intitulé You Should Know By Know, le groupe sort en 2011 un premier album enthousiasmant, Dead To Me. Et déjà , si l’on pouvait entendre la voix mélancolique de Cathal Cully glisser sur des sonorités surf rock de joies désespérées, jouées au fond d’un garage peint aux couleurs du ciel de la Californie, ce n’est rien comparé à la mélancolie que l’on retrouve dans The New Life. Ici, elle est sans espoir. Quatre ans après les débuts, les murs puent la pisse, le soleil est mort et le miroir aux illusions est brisé. Le ciel dégueule toujours son gris sur le visage de Belfast. On pourrait résumer le son de cet album en un nom : Fender Jaguar. Des guitares claires, un peu de flanger et une rythmique appuyée.
L’influence des années quatre-vingt suinte de chaque coup de médiator. C'est agréable. Leur discothèque idéale doit sans doute se composer d’albums des Cure, de Joy Division et des Smiths. Ils sont tous là . Et un peu les Horrors aussi. On jurerait entendre Faris Badwan chanter sur Occultation, avec cette voix douce et apaisée qu’il avait avec Cat’s Eyes. Les vingt dernières secondes, quant à elles, évoquent Johnny Marr. Et la chanson qui suit également. Des arpèges de guitare lumineux tournoyant dans un Belfast oppressant. On s'attend à entendre Morrissey sur A Second Skin, mais non. Toujours cette voix délicieusement grave et désabusée. Toujours cette voix caverneuse à la Ian Curtis, particulièrement confondante lorsque l’on s’attarde sur une Pittura Infamante aux accents emphatiques. Et lorsque l'on pose l’oreille sur Drawing Lines, on pense à l’année 1982. On pense aux Cure. On pense à cet album sublime qu’est Pornography.
Sauf que Girls Names ne boxent pas dans la même catégorie. Si ressemblance il y a, elle s’arrête au(x) riff(s). Chaque chanson fait penser à . La filiation est trop évidente. Dès lors, il est difficile d’y voir autre chose qu’un album-hommage aux groupes New Wave d’il y a trente ans. Malgré tous les efforts mis dans sa musique, Girls Names sont loin de proposer une réelle atmosphère capable de nous emporter, de nous marquer au fer rouge, comme l’ont fait les légendes sus-citées, qui ont su nous malmener, nous déranger, nous mettre KO debout. Girls Names sont encore trop gentils. Trop doux. Passé le cap de la découverte, passé le cap des vingt premières minutes, on a tout vu, tout entendu. On tourne en rond, en bas des blocs de béton.