Chronique Album
Date de sortie : 07.10.2016
Label : FatCat Records
Rédigé par
Cassandre Gouillaud, le 7 octobre 2016
À peine plus d'une année est passée depuis la sortie de son premier album ainsi que sa nomination au Mercury Prize, mais Christopher Duncan n'avait visiblement pas dit son dernier mot. Il semblerait que le prodige Ecossais ait bien rapidement réintégré sa chambre de Glasgow d'où proviennent ses douces créations pop, pour en réémerger avec un second effort accompagnant les débuts de l'automne.
Architect, d'un tour de force impeccable, illustrait cette tension communément antinomique entre classique et moderne. Une base folk se voyait alors submergée par des nappes électroniques et des pistes vocales rêveuses qui faisaient pencher l'ensemble du côté de la dream pop. Ce second album, lui, que ce soit pour le meilleur ou le pire, s'est défait de son écrin folk dans la recherche d'une cohérence plus poussée.
The Midnight Sun, dans la réflexion de C Duncan, a d'abord été le titre d'un épisode de la classique The Twilight Zone dans lequel une perturbation de l'orbite terrestre entraîne irrésistiblement la planète vers le soleil, l'humanité se rapprochant irrésistiblement de l'extinction au cours d'un épisode aux relents apocalyptiques. L'album est-il tout aussi oppressant que la trame narrative de l'oeuvre dont il tire son nom ? Il semblerait qu'il tienne certainement plus du rêve et de l'infinité qui y est associée que de l'angoisse claustrophobique.
Nothing More suffit à elle seule à impulser le tempo général de l'album, qui ne dérogera pas une seule fois à cette atmosphère planante. La voix de C Duncan, plus que d'insuffler un écho rêveur à son folk, devient ici un mirage supplémentaire parmi la superposition des nappes et des motifs tout juste soutenus par une boîte à rythmes discrète. La direction musicale prise par cet album produit un contenu certainement tout aussi profond que lorsqu'il était objet à dichotomie sur Architect, mais bien plus complexe à cerner. The Midnight Sun est d'une délicatesse nouvelle, saisissable qu'avec attention, qui se révèle notamment dans l'évasion subtile d'Other Side, où la voix de l'artiste semble s'évaporer dans les hauteurs qu'elle côtoie.
C Duncan avait fait part de son souhait de créer un album musicalement plus cohérent, qui, sans tomber dans l'album-concept, fonctionnerait comme un ensemble. Peut-être est-ce pour cela que déjà, passées les premières chansons, apparaît le sentiment d'avoir affaire à un album dont les titres peinent à diverger les uns des autres. Les nappes, les boucles électroniques, le chant vaporeux reviennent inlassablement au sein de structures similaires. Plus qu'un récit, The Midnight Sun prend les airs d'une variation aérienne dont les mutations sont à peine perceptibles. Il faut s'y plonger plusieurs fois, y revenir encore pour cette fois saisir cette apogée sur Wanted It Want It Too obtenue par une superposition de motifs qui s'éteignent pour mieux éclater de nouveau passés les deux tiers du morceau. Last To Leave laisse entrevoir comme une agitation nouvelle, entraînée par le dédoublement des boucles et les plongées successives de la voix de l'artiste, qui semble trouver un semblant de répit sur Do I Hear. Quant à The Midnight Sun, il est indéniablement le morceau le plus riche d'un album déjà fourni, incitant au voyage entre terre ferme et hauteurs atteintes par les synthés.
Le défaut de cet album, au-delà d'une exécution incroyablement juste et finement arrangée, est sans doute qu'il manque de relief. À moins d'être pleinement dévoué à son écoute, chaque morceau succède à un autre facilement, mais sans réussir à conserver la pleine attention de son auditeur. Il manque sûrement à The Midnight Sun l'amplitude que la dimension folk pouvait donner à Architect. Pourtant, il reste qu'à travers une rigueur et une justesse impeccable, C Duncan parvient toujours à rendre un bien bel hommage à l'infinité de la dimension de l'imagination.