LUMER

Dur exercice que celui de donner une suite à The Disappearing Act, brillant EP de LUMER sorti en 2021. On découvrait ces jeunes gens du Yorkshire, baignés par des influences post-punk difficiles à camoufler. Ce groupe avait déjà des choses à dire et son style grinçant et râpeux réussissait vraiment à sortir son épingle du jeu, évitant avec un brio certain le mimétisme qui pend au nez de bien d'autres qui s'imaginent en nouveau The Fall.

The Disappearing Act dévoilait de belles prédispositions confirmées en live, et nous laissait avec l'envie non dissimulée d'une suite que l'on espérait aussi intéressante. Une première surprise nous est arrivée avec la sortie récente du vidéo clip du très bon single Nightmare Without End. On pouvait alors se demander où était donc passée la rage de LUMER : ce morceau très pop, et au demeurant vraiment très réussi avec son clavier rétro et son ambiance délicatement mélancolique, avait de quoi étonner et laissait planer pas mal d'interrogations sur No Jury, No Prizes, leur album à venir.
Seconde surprise, ce single n'est pas inclus dans l'album. Ceux qui pensent qu'il n'était donc qu'une parenthèse en seront pour leur frais, car dès les premières notes du lumineux Lying In Wait, on comprend que quelque chose a changé. Non, LUMER n'opèrent pas un virage total, ne se renient pas, ils ont juste grandi. S'il fallait rassurer les plus craintifs d'entre vous, une simple écoute de Crucify devrait faire son effet et finir de vous convaincre que la formation ne s'est pas endormie pour autant. Ce morceau abrasif rappelle les bons souvenirs de The Disappearing Act, quant à Dead Conversations, il a en lui le côté froid et cinglant des débuts.


Les choses deviennent plus claires avec un titre comme Against Ourselves, à la fois lourd, puissant, mais diablement émotionnel. Nous y sommes donc, la musique de LUMER est certainement moins rentre-dedans, moins physique, mais va chercher en vous, va parler à votre âme, votre cœur. Ce registre est exploré sur l'excellente Pyrene. Ce petit côté cold wave qui sert bien à propos le ton grave tout au long du morceau est décidément des plus convaincants.
Pour comprendre totalement ce qui s'opère ici, il faut se pencher sur le renversant Misery. Ce titre serait apparu complètement hors-sujet quelques années plus tôt, il leur va aujourd'hui comme gant. Cette chanson absolument merveilleuse dévoile un groupe comme on ne le connaissait pas, il représente la chrysalide d'une formation qui se permet des choses que l'on aurait imaginées. Le résultant est probant et ce titre d'une puissance folle montre à lui seul l'intelligence et le talent des musiciens.

Pour aller plus loin dans cette direction, One Hundred Years Of Solitude renforce cette idée et en dit long sur les intentions du groupe. Plus lyrique, plus pop, il met aussi en avant les aspirations d'Alex Evans, dont le chant vient fréquenter des terrains non explorés jusqu'ici. Il y a certes quelques approximations, mais celles-ci servent parfaitement le propos, car LUMER ne cachent désormais plus la fragilité qu'ils camouflaient derrière la densité et l'énergie de The Disappearing Act.
Il faut peut-être attendre la fin de No Jury, No Prizes pour prendre pleinement conscience du groupe que devient Lumer. Maybe Right est un condensé de puissance émotionnelle et d'intelligence. Le travail remarquable de Ben Jackson à la guitare apporte à cette chanson une mélancolie folle, rendue palpable par le chant presque désintéressé et pourtant poignant d'Alex Evans. L'ensemble prend ensuite son envol dans un final absolument épique. C'est remarquablement pensé et vous avez là un grand morceau de cette année 2024.

L'évolution de LUMER est tout à fait notable, elle dénote beaucoup d'intelligence et de réflexion. Le grand écart aurait pu être sacrément périlleux, mais ils s'en sortent admirablement en s'orientant vers une musique plus réfléchie, plus cérébrale, mais tout à fait exigeante. Que vous le vouliez ou pas, il ne manque au groupe qu'un peu de notoriété pour être reconnus à sa juste valeur, mais avec No Jury, No Prizes, ces gars prouvent qu'ils n'ont absolument rien à envier à Italia 90, TV Priest, ou même shame. Il faut définitivement vous pencher sur ce que font ces garçons, vous en priver serait passer à côté d'énormément de talent, et vous ne méritez pas ça !