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Reverend And The Makers

Interview publiée par Jean-Christophe Gé le 23 septembre 2007

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Rencontre avec le révérend, Jon McLure, dans les locaux de PIAS, son distributeur. Nous sommes dans un petit salon avec un canapé défoncé et des chaises pliantes, mais une vue imprenable et très parisienne sur une jolie cour boisée. Jon est aux anges, il revient d’Ibiza par un vol catastrophe, il a dormi trois heures, mais il adore Paris, il fait beau et il aime son job.

Tu viens de sheffield, tu as joué avec Bromheads Jacket et des membres des Arctic Monkeys. Y at’il une vraie scène à Sheffield ou au moins une scène du nord ?

Les médias basés à Londres pensent que tous les groupes qui viennent du nord sont de Manchester. Pour Sheffield, c’est surtout une question de hype, beaucoup de groupes y voient la possibilité de se faire de l’argent en copiant les Arctic monkeys avec des guitares. Mais en fait la tradition à Sheffield c’est plus la musique électronique avec Cabaret Voltaire ou Human League. On veut m’appeler le parrain de Sheffield. A la base je suis un beat poet et plein de groupes qui aimaient ce que je faisais ont voulu jouer avec moi, c’est comme ça que les Makers se sont formés. Le truc avec le Nord, c’est que c’est une ancienne région industrielle que Margaret Thatcher a complètement foutu en l’air. Faire parti d’un groupe c’est un bon moyen de faire quelque chose pour essayer de s’en sortir. Shefield est vraiment une ville pauvre, encore plus que Manchester, et moi je veux faire quelque chose de positif.

Tu imagines faire de la politique ?

Au non, moi je parle de politricks [NDLR : tricks = ruses]. Je ne crois pas en le système politique britannique. Je crois plus en les groupes de pression, ou faire évoluer les choses de l’extérieur comme John Lennon, Bob Marley ou les Clash. Je crois en les rebelles, mais notre génération n’a pas de rebelles, la culture américaine est partout. En France vous êtes plus des rebelles, vous essayez plus de résister. Le monde en général, mais particulièrement la Grande-Bretagne, subit un déclin culturel, il faut résister et je préfère le faire avec un message positif plutôt qu’en traitant tout le monde de salopards.

Tu es un beat poet, en France on parle de slam et c’est devenu assez à la mode ici, est-ce le cas aussi en Angleterre ?

Je crois que la langue française se prête bien à la poésie avec la manière dont elle coule, pour le hip hop ça doit être pareil. Mais à Sheffield être un poète, c’est considéré comme un truc d’homosexuel même si je ne le suis pas. Pour moi, la poésie c’est un moyen d’exprimer ses idées. J’ai aussi écrit un livre, je fais des films, j’aime m’exprimer de plein de manières différentes et la poésie est l’une d’entre elles, mais ce n’est pas quelque chose de populaire.

Tu as écrit un livre, c’est un recueil de poésie ?

Non, c’est un mélange de nouvelles, de notes, de poèmes à la Charles Bukowski. C’est drôle, cool et assez cynique. Il sortira l’année prochaine, il s’appelle Lies.

Tu es drôlement productif, un album et un livre de prêt ?

J’aime ce travail. Il y a tellement de musiciens dans le show business qui font du business show et qui dise « c’est combien ? c’est combien ? » [NDLR : en français], ils font du business show. Moi j’ai envie de faire du show, de faire plein de choses créatives que les gens pourront aimer et faire passer un message positif. On vit dans une époque vraiment agitée, particulièrement en Grande Bretagne. Je pourrais faire juste de la pop musique pour danser, mais j’ai aussi envie de documenter mon époque. Je veux que nous soyons un groupe anti-bullshit.

Sur ton album as-tu tout écrit toi même ?

Non je collabore beaucoup avec mes musiciens sauf pour les paroles. Pour le second album en revanche, je l’ai beaucoup écrit tout seul avec la guitare, et il ne ressemble pas du tout au premier. Mais je préfère les collaborations. Je n’aime pas le principe du groupe où tu te dis qu'il faut écrire une chanson avec le guitariste. je veux pouvoir écrire de la musique avec qui je veux. Je veux être libre.

Tu as déjà écrit un second album, mais le premier ne sort que dans quelques jours. Tu crois que ton label te laissera le sortir rapidement ?

Oui, j’espère que nous pourrons l’enregistrer très vite. Je ne veux pas devenir une grosse rock star paresseuse. Quand on joue dans un festival on voit les groupes qui respectent leur public. Nous avons fait une scéance de dédicaces et au bout de 20 minutes, quelqu’un du label est venu nous dire que nous avions fait notre temps, mais je lui ai dit que nous restions, parce que ces gens sont venus nous parler et nous avions envie de discuter avec eux. Parler aux gens est un plaisir, je veux pouvoir échanger avec un maximum de gens.

Peux-tu nous en dire plus sur ton travail avec John Cooper Clarke. Votre morceau sur ton premier single est assez déroutant...

Il est catégorisé punk poet, mais pour moi le punk ce n’est pas qu’une forme de musique, mais aussi un style de vie. Il a beaucoup fréquenté les Buzzcocks et les Clash. Et puis après il s’est un peu perdu dans l’héroïne. Il a vécu avec Nico du Velvet Underground. Travailler avec lui a été un grand honneur. C’est le seul génie que j’ai jamais rencontré.

Ton discours engagé me surprend, parce que ta musique a l’air très légère. Sur 18-30, le refrain fait même « I wanna go on holidays, lalalala »…

Oui, c’est une chanson très ironique sur certains anglais en vacances. Je suis anglais, I stay in bed past midday [NDLR : une rime en franglais], in the nighttime I play and I smash your hotel. Je vais te montrer quelque chose, c’est dans ma valise. [il se lève, fait mine de se pincer le nez en ouvrant sa pauvre valise, et en sort un exemplaire de son album]. Dans l’album, je n’ai pas mis pas les paroles, sauf peut être dans la version française, mais j’ai mis des explications sur chaque chanson. [Il me lit le texte d’explication de 18-30]. En fait c’est une chanson ironique sur ces anglais qui partent en vacances à l’étranger et y mettent la pagaille et quand ils rentrent chez eux, ils se plaignent des étrangers parce qu’ils mettraient la pagaille en Grande-Bretagne. La musique pop c’est quelque chose de très subversif, parce que les gens peuvent chanter lalala et après quand ils comprennent le sens de la chanson ils se disent merde c’est moi. Je veux faire passer mes messages de manière très positive. Si on n’a que trois minutes pour s’exprimer dans une chanson il faut être poétique, mais aussi accessible. Il y a beaucoup groupes politisés qui sont tellement à l’extrême gauche que personne ne veut les écouter parce que c’est pénible. Mais avec une chanson pop, tout le monde peut écouter le message.

Quand je joue quelque part je veux pouvoir parler avec les gens et parler leur langue. Il n’y pas que l’Angleterre pour moi, je veux être universel. Tu connais Manu Chao ? Je pense qu’il est cool parce qu’il apporte son message partout. J’ai donné une interview à Cosmopolitan et les gens m’ont dit, mais pourquoi tu donnes une interview dans ce canard ringard ? Moi je leur dit que mon message est universel et que je ne veux pas le réserver à une pseudo élite indé. Pour moi c’est une forme de fascisme de dire ça c’est cool et ça ne l’est pas. Je veux parler à tout le monde.

Quel est la réaction du public dans les différents pays où vous jouez ?

Toujours excellente. En live nos chansons sonnent super, et il n’y en a pas deux qui se ressemblent. Nous sommes un super groupe de scène, probablement un des meilleurs du monde.

Je rigole...

Non, non sérieusement, tu vas venir nous voir sur scène et tu n’en croiras pas tes yeux, nous sommes incroyables. Nous sommes sept personnes à tout jouer live et à faire de la dance music. J’ai hâte de jouer à Paris, c’est une ville qui m’est très chère. Je voudrais vivre ici. Paris est une ville pleine d’inspiration. vous devez avoir une scène génial avec Justice et Daft Punk... [je vous épargne ma petite aparté sur la réalité de la scène parisienne] La face B de notre prochain single s’appelle Paris at night.

J’allais justement t’en parler !

Tu veux que je te l’a joue, ce serait une façon cool de finir l’interview…

Et il joue Paris at night, rien que pour moi, effectivement la fin d’interview la plus cool possible.