Dans un de mes précédents papiers, j’annonçais publiquement mon intention de participer à la soirée Custom de juin. Homme de parole, c’est donc tout naturellement que je me suis rendu au Nouveau Casino, afin de prendre part à la soirée organisée en l’honneur du label indépendant Domino Records. Ouvrir son bureau parisien, ça se fête, non? Et autant dire que pour l’occasion, les petits plats on été mis dans les grands : à quelques mois de la sortie de leur très attendu nouvel album, les anglais de Clinic nous ont fait l’honneur de leur présence, des titres inédits plein la besace.
Il fait déjà très chaud à mon arrivée, mais ça n’est pour ainsi dire rien en comparaison de la fournaise dans laquelle je vais me retrouver une fois que débuteront les hostilités. Dans de telles conditions, inutile de préciser que les flyers deviennent l’objet de toutes les convoitises : heureusement, ils ne sont pas rares, et chacun d’entre eux constitue alors le parfait éventail. Le bar, lui, n’est ignoré par personne, et c’est alors que j’en reviens, un verre d’eau bien fraiche à la main, que les lumières s’éteignent pour la première fois de la soirée.
Débarquent alors sur scène les mecs les plus simples du monde, leurs vieux tee-shirts sur le dos et la guitare à la main. Démarche adolescente, gestuelle un peu gauche, timidité aussi touchante que cocasse... pour sur, les deux bonshommes ont un petit quelque chose des Flight of The Conchords. Sans un mot, et le plus tranquillement du monde, ils s’attèlent aux derniers réglages; c’est à se demander s’ils nous ont vus. Il me semblait pourtant avoir entendu des applaudissements. Et puis, un « Bonsoir Paris ! » se fait entendre. Ne jamais désespérer, jamais.
Fin prêts, les américains s’élancent enfin. Seuls. Le reste du groupe ne les accompagnera pas : ce soir, c’est en acoustique que nous sommes invités à découvrir Chief. De Night & Day, en passant par Breaking Walls et Your Direction, les deux guitaristes livrent des compositions pop aériennes à souhait, qui sentent bon le couché de soleil californien. Le public est conquis et d’autres que moi ont du s’imaginer assis sur la plage, dos à la ville des anges, savourant entre amis la fin d’une belle et chaude journée d’été sur la côte. Si la température de la salle s’est chargée de réchauffer les corps, Chief s’est sans nul doute occupé des cœurs et des esprits.
Alors c’est vrai, je n’ai pas une grande expérience des soirées Custom; avec du recul, je me dis pourtant que les deuxièmes parties y sont toujours à part. Plus fantasques, percutantes, inattendues, étincelantes... Ce soir ne dérogera pas à la règle. L’impressionnant attirail, qui confina quelques minutes plus tôt les membres de Chief dans un espace de scène à la limite de l’exigu, est donc la propriété d’Anna Calvi et sa bande; un véritable terrain de jeu (percussions, accordéon, guitare...) pour la musicienne qui accompagne la jeune anglaise. Suivies de leur batteur, les deux femmes font leur entrée sur scène, dans des tuniques d’inspiration flamenco, qui nous annoncent un set d’humeur flamboyante.
Dans la moiteur ambiante, Anna se rapproche du micro et, sa guitare accordée, jette à la foule un regard aussi sombre qu’envoutant. Commence alors un long solo de guitare, violent et foutraque, qui en laissera plus d’un sur le carreau, moi compris. Passée cette déconcertante entrée en matière, l’artiste est enfin rejoint par ses musiciens pour entamer un set qui, de No More Words à Love Won’t Be Leaving, n’infirmera pas la flatteuse réputation scénique de la jeune femme. Brian Eno n’aurait pas été autant charmé depuis Patti Smith. Ca ne s’invente pas.
En une poignée de titres, Anna Calvi fait preuve d’une maturité déconcertante, elle qui n’a pas encore enregistré un seul album. Sensuelle et glaciale à la fois, l’artiste électrise la salle à coup de compositions audacieuses et charnelles, qui, c’est sans appel, diviseront le public. La marque des grands ?
Je l’évoquais au début de l'article, Clinic s’apprête à sortir son sixième album studio : l'objet, produite par John Congleton (Modest Mouse, The Roots, The New Pornographers...) est annoncé pour le 4 octobre prochain et se nomme Bubblegum. La Custom est donc l’occasion rêvée pour le quatuor liverpuldien de présenter au public parisien quelques unes de ses nouvelles compositions. Et bien vous savez quoi? Ils ne se sont pas gênés.
Masques chirurgicaux sur le nez, les anglais ne perdent d’ailleurs pas de temps. Passée l’introduction très Beach Boys, ils investissent la scène et dégainent dans la foulée le premier inédit de la soirée, qui ne rassurera personne quant à la qualité de b>Bubblegum. C’était sans compter des titres comme I’m Aware, prochain single du groupe, qui nous rappelle non seulement que Clinic est une machine punk-rock somme toute assez passionnante, mais aussi qu’octobre, c’est loin.
Une heure durant, les titres s’enchainent sans pour autant se ressembler : de Memories à Children Of Kellogg, en passant par un IPC réclamé corps et âme par les connaisseurs, la prestation des anglais réserve de nombreux morceaux de bravoure, tout juste entrecoupés de quelques longueurs. La faute à une setlist, qui, si elle revisite l’ensemble de la discographie clinicienne, se révèle quelque peu déséquilibrée. Que voulez-vous, c’est un vrai métier.
Côté public, on apprécie la performance; paradoxalement, la foule se révèle moins conséquente à mesure que les minutes passent. J’avoue ne pas bien comprendre. La chaleur peut-être, qui, il est vrai, devient franchement insupportable. Heureusement, ceux qui comme moi resteront jusqu’au bout, ne faibliront pas, obtenant même honorablement le premier et unique rappel du groupe.
Je ressors du Nouveau Casino, certes fatigué, mais le sourire aux lèvres. « Si tu vas à la Custom, la soirée sera bonne ». Vous ne connaissiez pas le dicton ?