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Formal Sppeedwear

Formal Sppeedwear EP

Formal Sppeedwear - Formal Sppeedwear EP
Chronique Single/EP
Date de sortie : 03.05.2024
Label :Melodic Records
4
Rédigé par Franck Narquin, le 29 avril 2024
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Tata Yoyo, qu'est-ce qu'y a sous ton grand chapeau ? Eh bien les gamins, croyez-moi ou pas, cette semaine je sors de mon grand chapeau un tout nouveau groupe de post-punk du nord de l'Angleterre, chaud et croustillant comme une baguette fraîchement sortie du four. Promis, vous allez vous régaler ! Non, non, non, on ne lève pas les yeux au ciel en se demandant quel est le plus-produit qu'on va encore nous sortir pour nous refourguer le 7212ème groupe du genre. Plus de funk comme chez Yard Act ? Plus de rave comme chez Talk Show ? Plus d'idée(s ?) comme chez IDLES ? Les raisons de notre enthousiasme pour Formal Sppeedwear, trio en provenance de Stoke-On-Trent, cité de 258 400 habitants située à mi-chemin entre Birmingham et Manchester et dont le principal attrait touristique est son musée de la poterie, sont toutes autres. Beck Clewlow (chant, basse, claviers), Charlie Ball (guitare, claviers) et Connor Wells (batterie, guitare, clavier) ont décidé, contrairement à bon nombre de leurs confrères actuels, de ne pas s'engager sur l'autoroute reliant Joy Division à The Fall, aussi encombrée que souvent sans surprise, pour s'aventurer sur les routes de montagnes autrefois empruntées par Yellow Magic Orchestra, Neu ou DEVO.

Pour accompagner leurs premiers pas professionnels, Formal Sppeedwear ont eu la bonne idée de signer avec une maison leur convenant parfaitement, le label de Manchester Melodic Records, confidentiel et qualitatif, spécialisé dans les groupes aux noms croquignolesques (abracadabra, Dark Dark Dark, Eddy Current Suppression Ring, Working For A Nuclear Free City) mais aux propositions artistiques sortant des sentiers battus (Nyx Nót, le side-project d'Aidan Moffat d'Arab Strap, W.H. Lung, Working Men's Club). Forts de leurs expériences dans les milieux de l'art, du design et du cinéma, les trois « Potters » ont opté pour un nom de groupe atypique adapté à leur style musical mais à l'élitisme arty un peu trop ostentatoire avec cet oxymore à l'orthographe approximative. Ajoutez à cela leurs premières parties pour Fat Dog et Walt Disco, autres formations à la hype grandissante et proposant une musique aussi innovante que clivante, et vous comprendrez à coup sûr que Formal Sppeedwear est le groupe que vous allez adorer adorer ou que vous allez adorer détester.

Bunto, morceau d'ouverture et premier single issu de cet EP, se révèle être une porte d'entrée idéale dans le monde de Formal Sppeedwear. Le groupe parvient à immédiatement imposer son style original et personnel tout en gardant l'auditeur.rice en terrain connu, celui des Talking Heads pour parler à papa (ou à maman ou au parent non genré) ou de Crack Cloud si c'est le fiston qui nous lit (ou la fille ou l'enfant non genré). Avec leurs basses ronflantes et leurs guitares obliques, les anglais parviennent à faire du neuf avec du vieux, à être hedgy et arty tout en restant efficaces et accessibles.

S'il possède un petit côté exercice de style, 6 Lofty Ash n'en demeure pas moins incroyablement stylé. Porté par une section rythmique bien groovy qui permet de maintenir une cohérence globale, le morceau n'hésite pas à changer plusieurs fois de directions, entre guitares à la Bowie époque Scary Monsters et expérimentations sonores dignes de Conny Plank, le gourou du krautrock qu'on surnomme désormais le Pharrell Williams des 80's, ou de Yellow Magic Orchestra, le groupe le plus sous-estimé de tous les temps tant son influence sur la pop, la musique électronique et le hip-hop des quarante dernières années s'avère au moins égale à celle de Kraftwerk. Si certains resteront sur le carreau, d'autres y verront peut-être la plus grande dalle du monde (ndlr : blague à l'attention des fans d'English Teacher).

L'écueil dans lequel tombent souvent les jeunes groupes avec un EP est de vouloir en faire un curriculum vitæ présentant en quatre titres toute l'étendue de leur talent et de leur univers artistique. Formal Sppeedwear n'échappent pas à la règle, et si The Line débute sous les meilleurs auspices, le morceau finit par s'éparpiller à force de vouloir s'embarquer sur trop de pistes au point de ressembler au final à un mash-up de plusieurs morceaux. Avec le denier titre Dismount, le trio abat une nouvelle carte et joue le contre-pied en oubliant le post-punk pour s'orienter vers une new-wave synthétique au tempo plus lourd et plus lent. Dismount aurait probablement sa place et son intérêt sur un album, apportant un peu de calme et de simplicité à leur musique souvent exigeante mais sur un quatre titres, il peine à nous enthousiasmer autant que les sublimes Bunto et 6 Lofty Ash.

Alors oui, votre pote snobinard et un brin arrogant va vous en faire des tonnes avec Formal Sppeedwear. Oui, cet EP n'est pas totalement abouti. Oui il est trop tôt pour crier au génie. Oui, il faut attendre le verdict de la scène et la confirmation de l'album. Mais oui on tient bien là une des plus enthousiasmantes propositions musicales entendue cette année de la part d'un nouveau groupe. Oui, si vous suivez l'actualité du rock britannique, il est impensable de ne pas écouter cet EP, que vous l'aimiez finalement ou pas, tant il brille par sa singularité. Oui, on préférera toujours les routes de montagnes aux autoroutes. Oui, on en reparle dans la queue du péage de Saint-Arnoult cet été. Et enfin, et surtout, oui, il faut toujours écouter les bons conseils de Tata Yoyo !
tracklisting
    01. Bunto
  • 02. 6 Lofty Ash
  • 03. The Line
  • 04. Dismount
titres conseillés
    Bunto - 6 Lofty Ash
notes des lecteurs