Nourri, au sein des Stereophonics, de guitares âpres et d'hymnes sirupeux, Kelly Jones fugue soudainement à 33 ans pour vivre sa vie.
Only The Names Have Been Changed, ou dix faux prénoms pour dix histoires vraies.
Voilà près de dix ans que Kelly Jones gâche ses talents de songwriter avec ses compagnons de tournée en clopinant sur les traces submergées de la britpop et saturant les stations de leurs tubes primaires – non sans toutefois parvenir à quelques petites déroutes attachantes dont ils n'ont pas le secret –. Depuis
Word Gets Around, premier effort et premier succès paru en 1997, jusqu'au calamiteux
Language. Sex. Violence. Other ? de 2005, Kelly Jones n'a pas eu l'occasion encore de se reposer sur ses lauriers. Ne pas s'investir totalement dans ses compositions doit certainement demander plus de temps. La preuve : il n'a enregistré ce miraculeux
Only... qu'en seulement 36 heures. Le fric n'est ainsi plus sa motivation première, ici c'est la mélodie qui prime. Comme débarrassé d'un poids, Kelly Jones prend son envol et se défait des liens qui le retenait à l'argent formaté que lui rapporte Stereophonics.
Dès les premières notes de
Suzy, on se rend compte qu'on ne connaissait pas le moins du monde Kelly Jones. On a écouté ses chansons durant des années mais on le découvre véritablement sur cet album. Et, détail surprenant, il s'avère que c'est un humain. Il n'a pas été fabriqué à la chaîne comme on le pensait alors. Il a des sentiments, des idées et, surtout, une voix. Une grande voix. Presque aussi auguste que les figures sur lesquelles il prétend prendre exemple :
Nick Cave,
Johnny Clash,
Tom Waits. Kelly Jones est, à 33 ans, une synthèse de tous ses héros, un être multi-facettes qui fait une croix sur sa position de leader et se dévoile finalement au grand jour.
Défaitiste sur
Emily, émouvant sur
Rosie et
Suzy, utopiste sur
Liberty, sinistre et acerbe sur
Katie et
Violet, simplement heureux sur
Summer : les amours de Kelly Jones le rendent enfin intéressant. Mis à nu, sans artifice aucun, il délivre ses plaintes avec parcimonie et ses plaisirs avec bon sens. Loin, tellement loin de la dégringolade radiophonique des Stereophonics :
Jean à l'appui. L'anti-rock par excellence. Et par excellence, j'entends un crescendo véhément où l'intensité des mots s'imbrique à merveille aux accords, et où l'alliance des deux s'empare des émotions de l'artiste avant même des nôtres. Et c'est ce qu'il y a de plus beau dans la musique : quand c'est l'homme qui est au service de la chanson et non l'inverse.
Pop folk intimiste, puisque personnelle, l'album offre donc un aspect bien différent de celui, aseptisé, des Stereophonics. À se demander parfois si c'est bien le vrai Kelly Jones que l'on tient là : après tout, ça s'appelle
Only The Names Have Been Changed. Ou alors, c'est une résurrection
– cqfd.