Fran Healy

Depuis le début des années 90, Travis s'est imposé comme l'un des groupes phares de la scène pop britannique. Son influence est palpable dans de nombreuses formations telles que Coldplay ou Keane. Ils ont su collaborer avec les plus grands (Brian Eno ou encore Nigel Godrich, le producteur attitré de Radiohead) et la qualité de songwriter de Fran Healy a été de nombreuses fois soulignée (notamment par Paul McCartney et Elton John). Alors que le sixième album studio du groupe sortait en 2008, le leader de Travis annonçait officiellement peu de temps après qu'il « prenait des vacances » par rapport au groupe pour enregistrer un premier album solo; décision quelque peu surprenante puisque Healy écrit la plupart des mélodies et des paroles de Travis. Besoin de reconnaissance ou d'une affirmation plus importante de soi et de son univers ?

A l'écoute de Wreckorder, les fans de Travis ne se trouveront pas totalement déroutés mais découvriront toutefois quelques facettes de Fran méconnues jusqu'alors. La première rupture vient probablement de la pochette de l'album; en effet, l'écossais désirait un portrait figeant l'instant. Terminés la petite crête et le visage imberbe, le bellâtre s'affiche un peu vieillissant, cheveux grisonnants, plus naturel. L'album est réalisé sur le propre label de Fran, Wreckordlabel (distribué par Ryko en France) et il a fait appel à Emery Dobyns, collaborateur de Noah And The Whale, à la production.
Dès la fin du mois d'août, Fran postait un premier morceau sur son site internet : As It Comes, single où l'on découvrait l'une des brillantes collaborations de ce Wreckorder : Sir Paul McCartney, invité de marque, venu tenir la ligne de basse. Ce premier moment reste l'un des temps forts de l'album. Fran Healy nous laisse entrevoir un côté mélancolique très éloigné de la complainte amoureuse un peu fleur bleue qu'on lui connaît. La rythmique tourne en boucle comme une ritournelle et évoque les relations hommes/femmes compliquées et parfois conflictuelles.

Sur cette dizaine de titres, Fran Healy joue de presque tous les instruments (à l'exception du violon pour lequel il a convié Tom Hobden de Noah And The Whale) et use de sa voix à la fois fragile et pleine d'émotion comme d'un instrument à part entière. Il se livre à de nouvelles expérimentations pour créer un univers diversifié tout en gardant ce qui a toujours fait son succès : des mélodies pop entêtantes à l'image de Anything ou du très réussi Buttercups, simples et efficaces. Le piano est souvent mis en avant (In The Morning) et l'omniprésence du violon crée un monde très intimiste et personnel. On retrouve quelques éléments de Travis (le banjo sur Holiday en est l'un des exemples les plus probants) mais de là à dire que l'ensemble aurait pu être un album du groupe, ce serait mentir. On découvre ainsi des titres plus sombres tels que Shadow Boxing et son petit air inquiétant au piano ou d'autres aux frontières de la soul comme Moonshine. Petite touche féminine sur Sing Me To Sleep où Fran Healy a invité Neko Case (The New Pornographers) à pousser la chansonnette avec lui.

Ce premier effort solo de Fran Healy est donc un bon condensé de pop aux mélodies et paroles légères. On retiendra « l'unité diversifiée » de Wreckorder grâce à l’intrusion dans un univers très personnel qui n’avait jusqu’alors qu’été effleuré.