Chronique Album
Date de sortie : 10.01.2011
Label : Pinkflag
Rédigé par
Amandine, le 11 janvier 2011
Difficile d'évoquer Wire sans penser à leur mythique premier effort, Pink Flag, sorti en 1977, album légendaire ayant permis au punk de trouver un nouveau souffle, plus expérimental, avec le post-punk. Three Girl Rhumba est devenu un hymne, inspirant toute une génération de jeunes groupes de britpop dans les années 90, Blur en tête. Depuis, Colin Newman et sa bande ont roulé leur bosse, délaissant le son brut et obscur de leurs premiers albums pour des structures plus complexes, des expérimentations avec les synthés; l'électronique prend une place de plus en plus importante dans leurs compositions qui n'ont de cesse de se renouveler. Ils reviennent aujourd'hui avec une nouvelle galette pour fêter la nouvelle année.
Pour appréhender au mieux ce Red Barked Tree, il vaut toutefois mieux oublier toute cette période et ne pas tomber dans la nostalgie. En effet, Wire ont oublié leur rage et leurs revendications et proposent une musique plus sage, plus pop (comme l'annonçait le virage déjà amorcé sur Object 47, leur album précédent), parfois trop, comme nous le prouve le titre d'ouverture, Please Take : bien que les paroles restent incisives (« Please take your knife out of my back »), le refrain niais rend le tout rapidement insupportable.
Néanmoins, il serait réducteur de présenter cet album comme un album pop car il n'en est rien. Wire ont gardé le goût de la recherche sonore et nous déroutent par les choix adoptés. Ils savent encore pondre des morceaux catchy comme Now Was mais leur son a perdu la noirceur d'antan. C'est surtout au niveau du chant que le bât blesse : là où il était rageur et écorché, il est aujourd'hui plus posé et on s'attendrait presque à entendre quelques vocalises.
Il ne faut toutefois pas penser qu'ils ne savent plus rendre la puissance brute car Two Minutes vient faire taire les plus médisants : un chant presque parlé, des guitares cycliques, un je-ne-sais-quoi de The Fall et voici la perle de l'album. Moreover, placée en seconde partie du disque, fait monter en puissance la qualité de ce Red Barked Tree avec son ambiance crade et industrielle et ses superpositions de boucles de guitare qui viennent verser une profondeur abyssale à ce titre. Jouant avec les nouvelles technologies, le combo sait aussi nous offrir des moments sacrément actuels : Bad Worn Thing est à mille lieues du post-punk mais est un parfait compromis entre leur goût pour l'électro, la recherche sonore et le côté dark et obsédant de leurs premières amours.
Sans parler de perte de vitesse, on a pourtant parfois la sensation que des Clay ou Smash se poseraient comme des titres modèles pouvant influencer une génération de jeunes groupes se cherchant encore, en mal d'inspiration. On a beau se répéter que l'évolution est une chose naturelle et bénéfique pour les groupes, il est toutefois difficile de s'imaginer le fossé immense creusé en plus de trente ans de carrière.
On passera sous silence les deux dernières compositions, deux ratés qui nous confortent dans le fait que la douceur ne siéra jamais à Wire même si l'image teigneuse qu'on peut avoir du groupe leur colle de moins en moins à la peau.
La meilleure façon d'apprécier Red Barked Tree serait donc de l'aborder en novice et d'oublier toutes les productions de génie que les comparses ont pu produire. Là , alors, on pourrait apprécier à sa juste valeur un album riche et varié, souvent intelligemment mené et en perpétuelle évolution.