Chronique Album
Date de sortie : 07.02.2011
Label : Atlas/Polydor
Rédigé par
Hybu, le 6 février 2011
Sans remettre en cause le statut de petit prodige montant de la pop music de James Blake, ici dans son sens le plus large, on ne saurait être aussi catégorique pour son premier album éponyme. Les quelques personnes qui ont découvert le garçon sur leur platine vinyle depuis quelques mois pourront témoigner que les attentes que James Blake avaient fait naître étaient incroyablement élevées. Nous aimons chercher ces rares artistes capables du crossover parfait, de réunir clubbers, nerds, popeux, journalistes et filles sous un même étoile bénie... mais très peu y parviennent. Ici, James Blake passe à un petit doigt de l'exploit.
Quel plaisir d'écouter cette production millimétrée ou cette incroyable gestion des silences, une qualité devenue rarissime dans la musique moderne souvent surchargée. Chaque blanc prend ici autant de sens qu'un mot, un son ou un sample rythmique. Déjà dans ses productions club, il dansait à cloche-pied, sûrement hésitant mais d'autant plus pertinent, saisissant d'une traite les apports du dubstep et de la pop, ainsi que des multiples musiques noires américaines, soul et R'n'B en tête.
On lui pardonnerait presque sa voix candide, légèrement chevrotante et son abus de talkbox si tout le disque avait été aussi bouleversant et puissant que Unluck, I Never Learnt To Share ou I Mind. Animés d'un grâce candide et brillante, ces quelques morceaux de bravoures, osons le dire, ses chefs d'œuvres, sont à la hauteur du talent insolent de James Blake. Mais, peut-être du à l'impatience de la jeunesse ou à une certaine paresse, le garçon n'arrive pas à tenir ce souffle de vie, et certaines chansons s'avèrent superflues (Lindesfarne I et II, Why Don't Call Me), plombant le milieu du disque et rompant par la même occasion l'incroyable tension dramatique régnant dans sa musique.
Si son potentiel de composition n'est pas à dénigrer, James Blake échoue (tout est relatif) certainement là où il aurait du réussir, tenir la barre sur un album complet. A la manière de ses fantastiques maxis, il aurait pu y mettre plus de son sens du groove lancinant en apesanteur, de son goût pour la dance music futuriste et peut-être ce disque éponyme aurait pu tenir ses promesses. En n'exprimant, souvent avec classe et virtuosité, que sa personnalité de chanteur folk, le musicien a autant perdu de sa singularité et de sa superbe.
James Blake ne serait-il pas un peu schizophrène ? A trop vouloir distinguer ses chansons de ses productions clubs, à trop vouloir se mettre en danger (aussi noble soit la cause), il s'égare. Certes capable d'écrire de grandes chansons de pop moderniste, il oublie d'exprimer ici son habilité à faire onduler les corps.
La synthèse équilibrée des deux aurait donné naissance à un grand album, de ceux qui se comptent sur les doigts d'une main chaque décennie. Mais, au final, ce n'est qu'un très bon album. James Blake en a encore sous le pied, sachez-le, il fera un jour partie de cette rare catégorie de musiciens capables de redéfinir les contours de la pop music telle que nous la connaissons aujourd'hui.