logo SOV

The Stranglers

Dark Matters

The Stranglers - Dark Matters
Chronique Album
Date de sortie : 10.09.2021
Label : The Stranglers
45
Rédigé par Bertrand Corbaton, le 8 septembre 2021
Certains groupes nous paraissent immortels tant leur longévité force le respect. Certains artistes sont tellement ancrés dans nos vies que leur disparition semble inenvisageable, et l'impression qu'ils nous survivront reste vivace. Cette appréciation a tangiblement pris du plomb dans l'aile depuis le décès récent de Charlie Watts. Les Rolling Stones sont donc mortels; eux aussi ?

The Stranglers ont aussi été confrontés à la mort puisque Dave Greenfield est décédé l'année dernière à l'âge de 71 ans du COVID-19. Le claviériste accompagnait la bande de JJ Burnel depuis le milieu des années 70, et avec sa disparition, c'est un peu de l'âme des Stranglers qui s'en est allée. Dark Matters est la première production après son décès. La présence de Dave dans ce 18ème album studio du groupe est pourtant évidente, soit par sa participation sur certains morceaux, soit par l'hommage rendu à sa personne sur les titres composés après sa disparition.

Ne vous étonnez donc pas d'entendre ce clavier galopant et aliéné comme sur le nerveux et positif This Song, ou le très pop The Last Men On The Moon. Quant au morceau d'ouverture, Water, il apparaît comme idoine pour ouvrir la page Dark Matters. Ce titre feu-follet au refrain imparable, donne une belle image des Stranglers. Il est un magnifique salut au talent de Dave Greenfield, et à son importance dans le son du groupe.

Par moment, Dark Matters semble donner l'impression de compiler des morceaux avec et sans Dave Greenfield. Mais jamais l'ensemble ne pâtit de ce constat. Ainsi sont déployées des stratégies ingénieuses afin de rompre l'attente d'un solo de clavier qui n'arrivera jamais. L'exemple de White Stallion est révélateur. Sur ce morceau aux fausses apparences pop électro, sont placés des chœurs surprenants mais diablement puissants qui consolident le refrain et magnifient l'ambiance totalement décalée du tout. C'est complètement anachronique, incompréhensible, et follement plaisant. De façon générale, la basse de JJ Burnel se fait plus discrète. Il ne faut pas s'attendre à ce son lourd qui laboure les oreilles et ravage tout sur son passage, exceptée peut-être sur No Man's Land et White Stallion. De toutes façons, le propos ne s'y prête pas vraiment et c'est une autre partition qui est jouée ici.

Pourtant Dark Matters sonne bien comme du Stranglers. Comme du très bon Stranglers, à l'image Payday ou No Man's Land que l'on aurait très bien pu imaginer sur un album plus vieux tant ces deux morceaux possèdent cette sève, cette matière si reconnaissable qui a modelé le groupe depuis tant d'années. Cette remarque est également valable sur If Something Gonna Kill Me (It Might As Well Be Love). Doté d'une saveur particulière, ce titre fort pourrait à lui seul porter l'album, par la force qu'il dégage, sa délicatesse et sa structure sans équivalent qui laisse place à des cuivres hallucinés. Mais rien n'est fait au hasard et tout tombe juste autour de la voix suave de Baz Warne. Brillant.

Parfois le ton se fait plus calme, comme sur le court intermède The Lines, et surtout sur Down. Cette pièce offrant un duo délicat entre un piano et une guitare est émotionnellement forte. Elle vient nous rappeler que sur Dark Matters, il est aussi question de recueillement et d'hommage. Dans ce sillon, le sans équivoque And If You Should See Dave... fait office de référence sans verser dans le larmoyant ou le pathos. Il est un magnifique hommage au claviériste et ami défunt. Le morceau final, Breathe, conclue l'album de façon aussi brillante que Water l'introduit. Voici un autre moment remarquable de Dark Matters. D'apparence calme, il révèle un refrain puissant et exaltant. Breathe nous laisse cependant inquiets pour le futur du groupe. Et si ce morceau était le dernier ?

On ne peut réellement imaginer The Stranglers disparaître de cette façon. On peine à se dire que JJ Burnel, véritable moteur du groupe, arrêtera une machine qui a survécu au départ du charismatique chanteur Hugh Cornwell, puis au retrait définitif du batteur Jet Black. Pourtant, on se remémore de l'interview où le terrible bassiste expliquait à Christian Eudeline que son décès où celui de Dave Greenfield signerait la fin du groupe.
Jean-Jacques Burnel connait-il lui-même le futur ? Selon lui, Dark Matters est un des meilleurs albums des Stranglers. Les fans auront peut-être un avis différent tant la discographie de la formation est riche, forte de morceaux puissants et inoubliables. Ce qui est sûr c'est qu'il marquera l'histoire du groupe de part son contexte. Il s'illustre aussi par des morceaux d'une grande qualité mettant en évidence le talent de composition d'un groupe vraisemblablement insensible au temps qui passe. Au final, même si Dark Matters devait être leur dernière trace musicale, JJ, Dave, Baz et tous les autres pourront s'en aller l'esprit tranquille. Parce que les artistes passent, s'en vont, disparaissent, mais la musique de The Stranglers est en nous, immortelle.
tracklisting
    01. WATER
  • 02. THIS SONG
  • 03. AND IF YOU SHOULD SEE DAVE...
  • 04. IF SOMETHING GONNA KILL ME (IT MIGHT AS WELL BE LOVE)...
  • 05. NO MAN'S LAND
  • 06. THE LINES
  • 07. PAYDAY
  • 08. DOWN
  • 09. THE LAST MEN ON THE MOON
  • 10. WHITE STALLION
  • 11. BREATHE
titres conseillés
    IF SOMETHING GONNA KILL ME (IT MIGHT AS WELL BE LOVE)..., BREATHE, WHITE STALLION, WATER, AND IF YOU SHOULD SEE DAVE...
notes des lecteurs
Du même artiste