Chronique Album
Date de sortie : 11.02.2022
Label : Polydor Records
Rédigé par
Simone Minet, le 14 février 2022
FTHC (ndlr : pour « Frank Turner Hardcore »), quatre lettres disposées autour d'un grand X, c'est le logo qui accompagne Frank Turner depuis le lancement de sa carrière solo. Un logo à prendre évidemment au second degré, car l'artiste Turner s'est distancié du punk hardcore depuis la fin de son groupe Million Dead en 2005 et s'est rapidement tourné vers un style assez distinctif quelque part entre le folk et le punk. A part ces quatre lettres figurant sur le décor de la scène à chacun de ses concerts, plus rien ne rappelle le style hardcore dans la musique actuelle de l'anglais. Et pourtant, avec la sortie de son neuvième album studio, FTHC n'est plus qu'un logo, mais aussi un manifeste musical surprenant et ambitieux.
Comme le titre l'indique, FTHC marque un retour aux origines musicales de Frank Turner avec des chansons résolument punk comme l'intense Non Serviam qui ouvre l'album et My Bad au tempo élevé et à la batterie martelée. Frank Turner est visiblement aussi à l'aise dans ce style agressif que sur des morceaux plus calmes et posés. En effet, FTHC est loin d'être un album purement hardcore, mais mélange à la fois les styles musicaux et les thématiques abordées.
A quarante ans, Turner ne voyage pas seulement dans son passé musical ici, mais explore également des chapitres douloureux de son histoire personnelle. Après avoir rendu hommage à sa mère sur No Man's Land, celui-ci a choisi de thématiser – pour la première fois – son père sur ce nouvel album. Ainsi, Miranda et Fatherless abordent la relation difficile et conflictuelle avec son père depuis la jeunesse de Frank jusqu'à la transition de genre de son père qui vit aujourd'hui sous le nom de Miranda.
Sans surprise, FTHC est donc un album plus personnel et plus authentique que certains de ses prédécesseurs. Tandis que No Man's Land (2019) rendait hommage à des personnalités féminines historiques, Be More Kind (2018) se présentait plutôt sous la forme d'une critique sociale et politique. Sur FTHC, le chanteur-compositeur aborde des sujets plus intimes tels que la santé mentale, les drogues, le suicide ou encore l'identité de genre.
Comme Song For Josh sur Positive Songs For Negative People, A Wave Across The Bay est la deuxième chanson dans son répertoire rendant hommage à un ami perdu par suicide. Ce titre, dédicacé à Scott Hutchinson de Frightened Rabbit décédé en 2018, est particulièrement touchant et monte en puissance de manière dramatique après un début intimiste à la guitare acoustique.
Afin de ne pas trop sombrer dans la mélancolie, The Resurrectionists crée ensuite une ambiance plus optimiste. Avec ce titre, Frank Turner réussit à allier son style folk habituel, notamment grâce à la présence du piano, à une dimension punk plus agressive. Les fans du genre apprécieront également l'intervention de Simon Neil de Biffy Clyro qui le rejoint au chant à la fin du morceau.
Farewell To My City, titre qui clôt l'album, réussit également ce grand écart entre plusieurs styles et suit une progression remarquable et inattendue. Cette évolution musicale est intimement liée aux paroles de cette chanson autobiographique qui commente l'évolution personnelle du chanteur. Farewell To My City ne résume donc pas seulement l'album FTHC mais peut également être comprise comme une fin et un nouveau point de départ dans la carrière de Frank Turner.
Il n'est certainement pas un hasard que ce dernier ait choisi de retourner à ses sources musicales pour revenir sur des événements marquants de son passé. Avec FTHC, il a créé un album cathartique alliant ses diverses influences. Un disque qui marquera certainement un tournant pour lui, et nous avons hâte de découvrir où son chemin musical le mènera à l'avenir.