Du point de vue de l'Hexagone, le Pays de Galles évoque en grande majorité une équipe de rugby fracassante (un peu moins depuis la coupe du monde 2019, mais tout cela n'est qu'une question de temps) et le pays nous ayant livré le plus grand chanteur de charme du 20e siècle, Tom Jones. Pour les lecteurs de Sound Of Violence, c'est une contrée ayant accouché de quelques groupes rock de très haute tenue tels Stereophonics, Super Furry Animals, Manic Street Preachers et plus récemment Boy Azooga, Trampolene ou Buzzard Buzzard Buzzard (liste non exhaustive).
Pays doté d'une culture ouvrière forte et d'un fier sentiment national, au même titre que ses cousins écossais, ses trois millions d‘habitants résistent encore et toujours à l'hégémonie anglaise malgré une tendance pro-Brexit que nous ne tenterons pas d'analyser ici. C'est sous le prisme de la musique que le pays de Galles nous apparait encore une fois généreux et audacieux avec YNYS (ndlr : « île » en français, prononcez « eu-niss »), derrière lequel se cache Dylan Hugues, ex Race Horses qui se lance enfin depuis la séparation du groupe en 2013 dans une carrière solo avec la sortie de son premier album éponyme.
Originaire de Aberystwyth, situé sur la côte ouest du pays, Dylan Hugues s'est inspiré de sa ville natale pour bâtir l'atmosphère de son premier disque : les harmonies sont orchestrales, aériennes, emplies d'échos psychédéliques qui rappellent une partie du répertoire de Super Furry Animals, s'agissant d'allier la douceur d'une pop fleurie et un peu bohème à des rythmes soul avec une touche d'indie rock saupoudrant toujours le tout sans jamais sonner brouillon ni rendre confuse l'écoute.
Une des raisons de ce patchwork réussi de sonorités vient probablement des influences de Dylan Hughes, empreint de la musique de Gorky's Zygotic Mynci, des Super Furry Animals bien évidement mais également du rock torturé et mélodieux d'Elliott Smith et Kurt Vile. Sur ce disque mixé par Iwan Morgan et produit par Frank Naughton, collaborateurs de Gruff Rhys, Cate Le Bon ou H. Hawkline, on retrouve ainsi cette touche galloise immédiatement reconnaissable, sans pour autant singer ses glorieux prédécesseurs.
Malgré un tracklisting interprété de moitié en gallois, l'écoute pour les néophytes reste fluide et les particularités de cette langue qui semble issue d'un autre temps ne représentent aucunement un obstacle pour apprécier ces harmonies surannées et dotées d'un charme fou. Avec violons, chœurs féminins, guitares folk et nappes synthétiques un brin cosmiques, c'est un voyage bucolique bercé par le son des vagues au loin venant s'écraser sur les falaises abruptes des côtes galloises. On apprécie alors le timbre de voix fluide et affirmé de Dylan Hugues et le côté un peu « exotique » qu'évoque à nos oreilles sa langue natale.
YNYS est un disque gracieux, teinté d'une patine vintage qui fleure bon l'évasion. Le Pays de Galles n'étant pas très éloigné de nous, kilométriquement et rugbystiquement maintenant, Dylan Hugues ne peut que nous convaincre un peu plus de la qualité de la musique locale et également de franchir d'un coup d'Eurostar et de train/bus (qu'il fait bon de réduire au maximum son empreinte carbone) pour se rendre dans cette contrée si riche à tous les niveaux. Croesco i Cymru !