Chronique Album
Date de sortie : 20.01.2023
Label : Cooking Vinyl
Rédigé par
Emmanuel Stranadica, le 18 janvier 2023
Il aura mis du temps pour se lancer, mais cette fois, c'est fait. En 2023, Dave Rowntree, batteur de Blur, sort son premier album solo, Radio Songs. Sacré challenge pour lui à 58 ans! En effet, après Damon Albarn et sa multitude de projets parallèles, Graham Coxon qui est dans l'aventure depuis vingt-cinq ans, c'est un troisième membre du groupe de Colchester qui fait une infidélité musicale à sa formation musicale habituelle.
On sait que les relations dans Blur sont un peu mouvementées. Il y a eu énormément de tensions entre Damon et Graham et douze ans séparent Think Tank de l'inespéré The Magic Whip paru en 2015. Et même si le groupe donnera quelques concerts cet été, cela fait déjà huit ans que la machine est en stand-by. D'où un possible ennui du batteur du groupe mythique et son envie de se dépasser et de faire de la musique sans ses acolytes.
Radio Songs n'est toutefois pas un véritable coup d'essai pour l'Anglais. Ce dernier a déjà composé les bandes sonores des séries The One et The Capture, mais sortir des chansons sous son propre nom, c'est une vraie première et de surcroit en posant sa voix sur les compositions. La mèche avait été allumée en juillet dernier, quand le single London Bridge avait été dévoilé. Très pop et joliment réussi, le tout premier single du britannique ne pouvait que séduire avec sa belle mélodie et son rythme plaisant. Ce signe avant-coureur de l'album était prometteur d'un disque qui lui fait donc suite six mois plus tard. Dix chansons figurent sur cet opus présentant dès l'entame sa connotation électronique.
Devil's Island, second extrait dévoilé en septembre, est en quelque sorte une ode à l'enfance avec notamment le yaya yaya yaya des chœurs faisant écho à cette dimension peur du monde qui nous entoure. Down tempo et bien calibrée, la composition est tout à fait plaisante, même si elle s'éloigne de ce que Dave Rowntree nous avait présenté avec London Bridge. Ce dernier sera d'ailleurs le seul moment résolument pop du disque car Radio Songs va surtout afficher un visage mélancolique et downbeat.
Downtown et 1000 Miles en sont de parfaits exemples, avec leurs atmosphères bien singulières. Dans cette dernière, on ressent la solitude et une certaine forme de désespoir chez l'Anglais notamment lorsqu'il chante de sa voix délicate "And I try to reach out and touch you, but I'm 1000 miles from home".
Après cela surgit l'énigmatique HK, qui pourrait s'apparenter à une forme de jeu sensuel, voire sexuel, entre deux personnes, notamment avec ces gémissements poussés sur ces éléments musicaux électroniques. C'est à partir de ce break, au beau milieu de l'album, que celui-ci va perdre en consistance. Tape Measure tourne au R'n'B oriental, tandis que la plupart des chansons qui suivent font plus ou moins pale figure par rapport au début du disque. Par exemple, Machines Like Me est gâchée par l'utilisation de l'autotune, alors que Black Sheep affiche les limites vocales de l'Anglais malgré sa douce mélodie.
Si tout n'est pas parfait sur Radio Songs, notamment à cause d'une face B un peu terne, Dave Rowntree réussit tout de même à nous séduire agréablement avec cette entrée d'album de très bonne tenue. L'audace de se lancer dans un premier disque solo à presque soixante ans n'est tout de même pas rien. On aura plaisir à découvrir la suite, si tant est qu'il y en ait une, et bien entendu de le retrouver avec ses trois compères pour de nouvelles performances de Blur.