Chronique Album
Date de sortie : 21.04.2023
Label : The Heavy
Rédigé par
Adonis Didier, le 20 avril 2023
« Oh tiens les gars j'ai une super idée, et si on sortait un album de gospel et de rhythm ‘n' blues avec un son qui grésille comme dans les années 60 ? Amen, mon frère ! ». Voici, en substance et en exclusivité, la véritable histoire vraie derrière la création de ce nouvel album de The Heavy, que les quatre musiciens ont religieusement choisi d'appeler AMEN.
Amen à la musique « noire » des années 50 et 60, le rhythm ‘n' blues, le gospel, la soul, Aretha Franklin, Marvin Gaye, toute la Motown en général, Screamin' Jay Hawkins, Ray Charles, James Brown, j'en passe et des meilleurs. Amen, mon père Kelvin Swaby, pasteur prédicateur ramenant dans la musique moderne, avec l'aide de ses acolytes, des genres que certains jugeraient désuets, et avec eux la mémoire de grands noms de l'Histoire. L'image de ceux qui ont lutté hante les vitraux de l'église, et comme il est de coutume, Hurricane Coming introduit l'album en collant les pêcheurs au mur jusqu'à les faire revenir à la parole divine.
La charge se voit moins brutale que le Heavy For You d'il y a quatre ans, mais l'idée reste la même : ouvrir la porte du TARDIS d'un grand coup de pompe, choper l'auditeur par le col, et l'emmener entre deux époques, résultat subtil et sublime d'un mélange entre l'ancien et l'actuel, entre les influences qui ont construit The Heavy, et la musique qui est la leur.
Le précédent album, Sons, donnait plus dans le funky, AMEN se chargera donc de sortir le gospel et le blues du tombeau. Les chœurs s'en donnent à cœur joie, les guitares se font suintantes, jouées par des mains caleuses au fond d'une cave enfumée de la Frenchmen Street, la batterie sonne tout en toms et en rebonds, la bande grésille comme sur un vieux gramophone (même si toujours moins que sur le Great Vengeance And Furious Fire originel, on vous rassure), et Kelvin Swaby fait ce qu'il sait faire de mieux, c'est-à-dire se plaindre. En prêcheur menant ses ouailles de sa voix tantôt puissante et affirmée, tantôt aigüe et plaintive, parfait soulman enfant de James et de Marvin, Kelvin invite à la rébellion sur Hurricane Coming, avant d'énumérer toutes les manières possibles et imaginables qu'ont les femmes de le rendre fou à travers Ain't A Love et Bad Muthafucker, puis de retrouver ses habits de pasteur sur la grand-messe I Feel The Love, point culminant de la thématique gospel de l'album.
Messing With My Mind conclut la face A en revenant à un The Heavy plus classique, moins référencé, plus rock, et toujours aussi détonnant. Ne cherchez pas à sortir de cet album, celui-ci a le bras long et vous rattrapera toujours avec quelque chose. Envie de douceur et de soleil ? Just Like Summer se met au diapason de vos désirs, des chœurs féminins, des violons, et des trompettes, on dirait le sud. OK, pas tout à fait la Provence, mais on est toujours au sud de quelque chose, pas vrai ? Bien reposé, c'est parti pour se défouler et mettre des grands coups de gueudasse dans tout ce qui passe ? Stone Cold Killer se la joue comme AC/DC, batterie simpliste qui claque, gros riff en trois accords, et attitude sexy dégoulinant de stupre. Votre chroniqueur préféré est un peu plus Kelvin que Bon Scott dans ses goûts, mais après tout, c'est vous qui voyez.
Arrive donc le moment où vous vous dites que l'album est vraiment très cool, mais est-ce qu'il ne manquerait un petit quelque chose, un je ne sais quoi very british pour en arriver à considérer ces dix chansons comme un véritable coup de cœur musical ? Dix chansons, c'est bien ça, et si vous savez compter en plus de savoir lire, vous voyez déjà venir le twist. Pas tout à fait un twist d'ailleurs, plutôt de la bonne soul de lover, Barry White est dans sa jalousie, tout seul dans son jacuzzi. L'enchaînement A Whole Lot Of Me, Feels Like Rain, et Without A Woman n'est rien de moins que le sommet des slows soul auxquels The Heavy nous avaient habitués jusque-là, la formule riff poignant de violons, guitares brillantes, voix de crooner, et chœurs grandiloquents en refrain portée à son apogée. Un triptyque final qui ne demande qu'une chose, de tourner à nouveau le disque sur la platine, et de replonger une nouvelle fois corps et âme pendant trente-cinq minutes dans un univers qui n'est ni les années 60, ni totalement les années 2020, un univers qui n'appartient qu'à The Heavy et dans lequel ils sont absolument sans rivaux.
Rangez vos disques de Marvin Gaye, rangez même tous vos disques, et n'écoutez plus rien d'autre jusqu'à la fin du mois. Et faites-moi plaisir, sortez fêter le 1er mai avec une afro, un costume trois pièces, et des chaussures cirées.