Alison Goldfrapp a attendu cinquante-six ans pour sortir son premier album solo. Il aura fallu une pandémie mondiale et les confinements qui ont suivi pour forcer l'artiste à composer seule dans son studio. Son timbre de la voix si caractéristique est toujours aussi envoûtant, l'ambiance toujours aussi sensuelle, et les chansons toujours composées avec le souci du détail. La vraie différence avec ses disques en duo, c'est le goût assumé d'Alison pour les boucles électroniques et la modernité.
Peut-être parce que c'est son premier album, ou en raison de la fermeture des boîtes de nuit, le son n'explore pas le vintage chic du siècle dernier. S'il faut faire un voyage dans le temps, dans l'immédiat, le week-end précédent ou le prochain, trouver un club avec un son pour danser jusqu'au bout de la nuit. Si Goldfrapp ont toujours oscillé entre musique électronique et trip-hop, en solo, Alison a pris la direction Kylie Minogue plus que celle de Portishead, et c'est aussi assumé que réussi.
Ses qualités artistiques restent intègres et on évite les dérapages de mauvais goût : l'Auto-Tune est utilisé avec modération tout comme les boucles et les enchaînements. Son label ne s'y est pas trompé, et quand elle leur a suggéré l'idée d'un EP, ils l'ont poussée à faire un album et n'ont apparemment pas mégoté sur les moyens puisque la production est assurée par Richard X (Sugababes, M.I.A.), mais ici on citera plutôt Steve Mason ou Belle And Sebastian voire... Goldfrapp pour l'album Head First) et James Greenwood (Daniel Avery).
Plus qu'un projet de confinement, The Love Invention est l'aboutissement d'une envie et l'alignement des étoiles. D'une part, Alison Goldfrapp a toujours été un peu jalouse de son complice Will Gregory qui, après un album de Goldfrapp, pouvait se consacrer à un projet solo (principalement pour l'opéra et le théâtre) pendant qu'elle partait sur la route défendre l'album avec un backing band. De l'autre, elle s'est installée un studio pour travailler sur une collaboration avec Röyksopp.
Elle avait désormais le mobile, l'opportunité et les moyens pour réaliser ce premier album solo. Le seul reproche que l'on ferait à celui-ci est d'avoir le défaut de ses qualités, c'est un disque solo avec un ligne artistique claire et exigeante, mais qui du coup manque un peu de variété, sans jeu de mots.