Moitié de Simian Mobile Disco, derrière la console pour Depeche Mode, Arctic Monkeys ou Gorillaz, batteur de The Last Shadow Puppets, James Ellis Ford est toujours un peu en retrait. Sur le CV des producteurs, on voit souvent le nom de grands groupes internationaux sans préciser s'il s'agit d'un remix ou d'un album. Que les choses soient claires, l'anglais a bien produit les deux derniers albums de Depeche Mode : attention, c'est une pointure !
Alors que le Simian Mobile Disco est pause pour raisons de santé, et qu'il s'apprête à entrer en studio avec Pet Shop Boys, il est temps pour l'anglais de s'exprimer en solo, et pas sur n'importe quel label, le très exigeant Warp Records (Aphex Twin, Broadcast, Squid, Wu-Lu...).
La musique est langoureuse, les instrumentations très soignées, on y entend des cordes, des cuivres, des synthés... et tous les instruments que l'on peut trouver dans une formation rock ou jazz. Il n'y a pas une section de cuivres ou de cordes par morceau, il peut y en avoir plusieurs comme sur Pillow Village, elles se répondent et s'empilent pour émuler le chaos urbain. L'artiste a même appris la clarinette basse pour cet album.
Il faut attendre le troisième titre pour entendre la voix de James qui semble être là parce qu'il le faut, pour raconter son histoire. Il chante un très joli refrain tout en retenue, comme pour s'excuser, à la matière d'un robot cabossé dans un univers rétro-futuriste. Ce musicien et producteur reconnu est d'autant moins à l'aise avec sa voix qu'il n'a jamais chanté avant The Hum. Il sait qu'il faut sortir de sa zone de confort pour exprimer l'oeuvre qui vit au plus profond de soi.
James est un artisan qui prend le temps de travailler. Il s'est construit un studio à la maison (en 2017, bien avant le COVID-19) pour expérimenter à loisir. Il aime poser devant sa collection de matériel vintage, son synthé modulaire et son impressionnante collection de vinyles. Dans le confort de sa maison, il peut explorer le monde et les sonorités. Par exemple, dans The Yips, il semble perdu dans les dédales d'un marché orientale, les boucles se résolvant dans d'autres boucles avant de se terminer dans un long écho.
Ce premier album solo est bien plus que le caprice ou le défi d'un producteur qui veut s'essayer à quelque chose de nouveau. Il répond à une urgence créative, celle imposée par la pause de son groupe, par la vie (la maladie de son ami, la naissance de son fils), la réflexion sur la condition des musiciens (privilégié comme lui, ou plus difficile comme celle de ceux rencontrés dans les territoires occupés palestiniens), l'âme (le mysticisme bouddhiste, l'appréhension de la mort)...
Ce foisonnement d'idées et de sentiments se retrouve dans la richesse des compositions que James Ellis Ford a réussi à développer dans un tout très cohérent et pas si difficile d'accès.
tracklisting
01. Tape Loop #07
02. Pillow Village
03. I Never Wanted Anything
04. Squeaky Wheel
05. The Yips
06. Golden Hour
07. The Hum
08. Caterpillar
09. Emptiness
10. Closing Time
titres conseillés
I Never Wanted Anything - The Yips - Pillow Village