Chain Of Flowers

Bon nombre d'artistes ont bien conscience de l'importance à court, moyen et long terme du choix du nom de leur formation. Celle-ci est une part importante de leur identité et les suivra jusqu'au bout. Dans la quête de cette partie non-négligeable de ce qui les façonne, certains optent pour le titre d'une chanson d'un groupe qui leur est cher. Les Suisses des Young Gods ont pour leur part emprunté le nom Young Gods Records, maison de disque de Michael Gira, leader des Swans.
Les fans de The Cure ne seront pas bernés longtemps par la feinte du groupe qui nous intéresse aujourd'hui, et reconnaîtront sans peine la face-b du morceau Catch sorti en 1987 par la bande de Robert Smith. La perspective de se retrouver avec une nouvelle mouture de The Essence est assez angoissante. Ces néerlandais connus pour avoir dupliqué le logiciel de la bande de Crawley avec un culot et un manque de talent trop évident pour que cela ne passe inaperçu sont encore dans les esprits de certains d'entre vous.

La curiosité qui entoure Chain Of Flowers est mêlée d'une dose non négligeable d'appréhension. La bande de Joshua Smith (ça ne s'invente pas) nous présente ici son second LP Never Ending Space, sur lequel est developpé un post-punk assez dansant par instants, comme sur le lumineux et léger Cosmic Whip, et parfois plus tendu comme sur ce Amphetamine Luck survitaminé à la sauce Editors.
Il y a quelque chose dans la musique de ces Gallois de Cardiff qui rappellera sans difficulté un syncrétisme entre l'esthétique du Cure de Kiss Me Kiss Me Kiss Me, et surtout la pop post-grunge de 1992 de l'album Wish. Il n'était pas nécessaire de s'appeler de la sorte pour faire le parallèle, et par instant, on pourrait croire que la Jazzmaster de Robert Smith s'est invitée dans le studio d'enregistrement des Gallois. Sur Fire (In The Hearts Of Hearts) ce ne sont pas tant les sonorités que le style qui semble familier. Mais malgré cet air entendu, Chain Of Flower parviennent à s'en sortir avec les honneurs.

Souvent il est question d'urgence, d'immédiateté, et on retrouve les intentions des premiers Editors, comme sur l'engageant Serving Purpose. Il faudra cependant se faire au style de chant de Joshua Smith qui en agacera certainement plus d'un. Celui-ci est souvent forcé et tend à gâcher le plaisir comme sur Old Human Material. C'est plutôt dommageable car ce titre direct avait une énergie qui méritait mieux. La remarque est similaire sur The Wall, où le thème mélancolique et prenant est malmené par des excentricités vocales dont on se serait bien passé.

On aurait pu en rester là, malheureusement, par moment nos Gallois ne parviennent pas à éviter la sortie de route. Ainsi, toutes les bonnes intentions de Praying Hands, Turtle Doves se trouvent mises à mal par une mélodie assez incompréhensible, des sons totalement incohérents. Là également, il faut composer avec la voix de Joshua Smith qui oscille entre un Genesis P-Orridge et un Perry Farrell des mauvais jours. Sur Never Ending Space, l'impression d'être totalement perdu dans une démo du début des années 90 est totalement assommante, à tel point qu'on aspire vite à passer à autre chose.

On touche peut-être ici aux limites de Chain Of Flowers. Never Ending Space présente un manque de personnalité assez flagrant tant le groupe semble englué dans des influences trop prégnantes pour qu'il n'arrive à s'en dégager. Certes, on entrevoit ci ou là des tentatives de se démarquer, mais celles-ci sont souvent maladroites ou désordonnées, et le résultat est malheureusement sans appel. Chain Of Flowers ont certainement de bonnes choses à apporter, mais il faudra à l'avenir réussir à s'émanciper de groupes emblématiques, trop uniques pour mériter qu'on en fasse une pâle copie.