On ne comptait plus les fans déçus par Who Built The Moon?, sorti en 2017. Il faut dire que les pérégrinations spatiales qu'offraient cet album avaient de quoi déconcerter les fans du songwriting direct de Noel Gallagher. À vrai dire c'est plutôt dommage, car cet écart dans sa façon de faire, cette tentative de proposer autre chose, méritait certainement mieux qu'une réaction épidermique. Surtout, ce manque de considération pour l'album mal-aimé pourrait vous avoir fait passer à côté de l'incroyable titre qu'est The Man Who Built The Moon.
Vous pourrez toujours vous rassurer en pensant que Who Built The Moon? n'a pas rencontré son public (grands dieux, mais quelle est la personne sans âme qui a osé sortir une expression pareille?!). La vérité pourrait être bien plus prosaïque et implacable. Certains artistes comme Noel Gallagher bénéficient d'une marge de manœuvre moins grande que d'autres, et peut-être attend-t-on de lui qu'il nous joue la même partition à l'envi, indéfiniment, inlassablement.
Pourtant, après la sortie d'une compilation récapitulant les dix ans de Noel Gallagher's High Flying Birds, question se posait pour savoir si le mancunien était d'humeur à répéter les extravagances reprochées sur l'album précédent. Les premiers extraits de Council Skies, son nouveau disque, étaient de nature à nous donner quelques indications. Un titre comme Pretty Boy n'a pas vraiment de quoi rassurer et tout pourrait être vite remis en question. Qu'on en juge, attaque à la boîte à rythmes et nappes en fond, ce titre mélancolique aurait largement sa place dans l'ambiance spatiale de Who Built The Moon?. Pourtant, la magie opère complètement, et la mélodie a tout pour vous faire oublier la structure de ce titre qui, bien que synthétique dans son idée dévoile une matière organique et émotionnelle fascinante. Pour le rappel à 2017, voici à peu près tout, car si Council Skies ne s'apparente pas à retour aux sources stricto sensu, il marque le retour à des fondamentaux évident pour Noel Gallagher.
Surtout il dévoile un artiste en pleine possession de ses moyens et en maîtrise totale de son sujet à l'image du single Easy Now, brillant morceau à la mélodie imparable. Council Skies ne joue pas tout à fait la même partition. Le choix de ce titre comme single est peut-être la bonne idée, car celui-ci agit comme une espèce de pivot, de levier entre d'anciens morceaux, une musique pop-rock et les excès de Who Built The Moon?.
En tous cas, il n'y a pas de fausse note sur ce nouvel album. Son unité est forte sans pour autant rester dans un registre étroit et oppressant. Même un titre un tantinet en dessous, comme There She Blows, se révèle avoir quelque chose à vous apporter. Lorsque Noel Gallagher s'approche de structures plus convenues comme sur I'm Not Giving Up Tonight, il parvient tout de même à toucher son auditoire. Dans ce cas, c'est un petit côté soul qui surélève l'ensemble d'un morceau qui aurait tout pour paraître sans histoire.
La remarque est similaire sur Love Is A Rich Man. Cette chanson aux apparences maintes fois entendues, sans surprise, prend son envol grâce à ce refrain en contrepoint, déséquilibrant totalement l'édifice. Et pourtant tout tient debout de façon absolument magique. Tout est pensé de façon intelligente, et démontre encore une fois le talent de ce songwriter génial.
Sur Council Skies, la navigation se fait sur différents courants. Dead To The World est une déambulation urbaine sous la pluie aux faux airs indolents. Là encore tout le génie de Noel Gallagher est mis en exergue dans cette balade très forte et émotionnellement dense. Trying To Find A World That's Been And Gone est aussi une ballade, mélancolique et épurée. Même dans cet exercice où la simplicité est mise en avant, Noel Gallagher reste maître de son sujet et présente une petite pièce qui s'insère parfaitement dans le propos.
Ces deux titres contrastent avec l'urgence et l'immédiateté déployées sur Think Of A Number. Sans parler d'influence post-punk, il y'a quelque chose ici qui éloigne Noel d'une écriture influencée par le rock des années 60 ou 70, et le rapproche d'influences eighties a priori éloignées de l'artiste. Là aussi tout fonctionne incroyablement bien, et démontre une ouverture d'esprit qu'on ne lui connaissait peut-être pas forcément. Capable de s'approprier des courants, de colorer à sa guise et avec intelligence des tableaux déjà maintes fois peints, Noel Gallagher n'oublie pas de revenir à des fondamentaux comme sur le positif et solaire We're Gonna Get There In The End, absolument réjouissant, ou sur le très accrocheur et guindé Open The Door, See What You Can Find au refrain imparable.
Décidément ce Council Skies est une sacrée claque. Noel Gallagher semble avoir trouvé une formule magique qui lui permet de placer le curseur idéalement entre des compositions passées et les excentricités de Who Built The Moon?. Il y a ici la volonté de ne pas se répéter, un désir de varier les plaisirs, de ne pas raconter la même histoire. Pourtant, tout le savoir faire de l'artiste est concentré dans un même endroit. En résulte en album à la fois élégant et dense, que vous soyez un fan de l'anglais ou pas, vous ne pouvez pas vous payer le luxe de passer à côté de cette merveille. Dans quelques années, voilà peut-être la pièce sur laquelle il faudra se pencher pour faire découvrir à votre petit neveu cet artiste de premier plan.
Assurément, vous avez ici un grand moment de cette année 2023.
tracklisting
01. I'M NOT GIVING UP TONIGHT
02. PRETTY BOY
03. DEAD TO THE WORLD
04. OPEN THE DOOR, SEE WHAT YOU FIND
05. TRYING TO FIND A WORLD THAT'S BEEN AND GONE
06. EASY NOW
07. COUNCIL SKIES
08. THERE SHE BLOWS
09. LOVE IS A RICH MAN
10. THINK OF A NUMBER
11. WE'RE GONNA GET THERE IN THE END
titres conseillés
THINK OF A NUMBER, PRETTY BOY, EASY NOW, LOVE IS A RICH MAN, DEAD TO THE WORLD