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Dream Wife

Social Lubrication

Dream Wife - Social Lubrication
Chronique Album
Date de sortie : 09.06.2023
Label : Lucky Number Music
35
Rédigé par Adonis Didier, le 8 juin 2023
On dit souvent que l'amour dure trois ans, et même s'il me dégoûte au plus haut point de citer Frédéric Beigdeber dans une chronique musicale (que ce soit d'un point de vue humain ou musical d'ailleurs), on retirera tout de même des relations amoureuses une tendance à se découper en trois étapes. La première, la rencontre, le coup de foudre, l'amour fou ou l'insouciance, s'appelait Dream Wife, tout simplement. Album éponyme, rempli de la fougue de la jeunesse, il laissait place en 2020, deux ans plus tard, à la deuxième étape, So When You Gonna..., l'installation d'une certaine routine du vivre ensemble, faite de lieux communs et d'expérimentations à la marge, entreprises dans l'espoir de rajouter du piment là où du poivre aurait pu faire l'affaire. On s'aventure dans l'électro, dans le slow folk, on tente des choses, avec plus ou moins de réussite, avec des airs de Blondie de la fin, et puis arrive un jour où, l'oreille collée sur l'oreiller, avec le dos comme paravent, on finit par ne plus rien supporter des manies de l'autre. Ce qui nous amusait, le charme excentrique des débuts, n'est plus que frustration et agacement permanent, une cocotte-minute de sentiments sifflant comme une loco des années 30. Il m'a dit je ne t'aime plus, mais vous n'êtes ni Cali ni Calimero, vous êtes une épouse de rêve, alors il est temps d'arrêter de se laisser marcher sur les pieds, et de prendre votre vie en main.

Social Lubrication, troisième album de Dream Wife, a fait les valises du mari, et les balance avec perte et fracas depuis le deuxième étage de la villa de Ramatuelle. "A real Kick In The Teeth" hurle Rakel Mjöll de sa voix d'adolescente nasillarde, sans plus d'introduction à un album qui n'est pas là pour respirer. Alors que l'on pouvait craindre un assagissement du trio à l'approche de la trentaine et du cap du troisième opus, ce nouvel effort est sans équivoque le plus violent, le plus impertinent, le plus petit con de tous, l'empilement de dix chansons qui crachent à la gueule de tout et tout le monde en mâchonnant le chewing-gum au fond de l'amphi. Passant du rock aguicheur au brûlot punk en un instant, l'épouse de rêve est toujours aussi fraîche, mais elle est aussi là pour botter des culs, et solder les vieux traumas de la façon la plus rationnelle qui soit : à coups de rangers dans le maxillaire.

La séduction est partout, le sexe aussi, un amusement en équilibre précaire au-dessus des neuf cercles de l'enfer, les cœurs brisés dans la première rotation, le viol et le GHB dans la neuvième. Hot (Don't Date A Musician) drifte à toute allure sur cette route avec décontraction, mais déjà Social Lubrication fait plonger le nez de la voiture malgré son refrain de rock direct et hyper accrocheur, avant que Leech ne déchaîne la fureur de toutes les Riot grrrls d'Angleterre et du monde connu. Les coups ne cherchent plus à faire mal, on ne vise que la mort de la sangsue suante et beigbedesque qui a encore laissé sa notion de consentement au vestiaire, hurlement sur hurlement, les dents plantées dans la lamproie turgescente.
Mais heureusement pour nous et ielles, le monde de Dream Wife n'est pas fait que de vilains personnages et d'histoires glauques. On sort la tête de l'eau grâce au romantique passage de Mascara, avant que l'hypnotique et sensuelle Honestly ne pousse le dit romantisme avec délectation le dos contre les lattes du sommier, et puis après tout pourquoi ne pas être un peu plus Curious, lorsqu'il s'agit d'explorer l'amour et la sexualité dans toutes ses diversités possibles. Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit, ça ne regarde que vous, et éventuellement les voisins si vous avez les fenêtres ouvertes.

Orbit conclut l'album avec une typique Dream Wife rappelant le tube Hey Heartbreaker, de la pop-rock nerveuse et extrêmement racoleuse qui fait du bien et qui défoule, car on ne se sera finalement pas ennuyé une seconde sur cet exutoire qu'est Social Lubrication. Un exutoire, c'est bien ça, car il manquera tout de même un petit quelque chose à cet album auto-produit pour pouvoir prétendre à mieux dans la hiérarchie. Jamais totalement punk, sexy mais parfois trop en retenue, pop-rock mais rarement accrocheur, Social Lubrication boxe dans toutes les catégories mais n'en surclasse aucune, et même si le style Dream Wife se fait des plus reconnaissables grâce à la voix de Rakel Mjöll, il n'en reste pas moins qu'il nous en faudra plus pour que cet amour naissant résiste au passage de l'été. Trop de temps musicalement neutres, des ponts ou des couplets parfois à l'emporte-pièce, mais une énergie et une verve qui ne faiblissent jamais. On retiendra que la direction est prometteuse, l'album un défouloir solide, et ce trio assurément plein de talent.
tracklisting
    01. Kick In The Teeth
  • 02. Who Do You Wanna Be?
  • 03. Hot (Don't Date A Musician)
  • 04. Social Lubrication
  • 05. Mascara
  • 06. Leech
  • 07. I Want You
  • 08. Curious
  • 09. Honestly
  • 10. Orbit
titres conseillés
    Kick In The Teeth, Leech, Honestly
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