Ash

1996. Une année phare pour la lycéenne qu'était votre chroniqueuse. Une année charnière qui lui a permis de se « trouver » musicalement parlant, en pointant définitivement son curseur vers l'indie rock. Encore très américanisée avec les perles qu'étaient Beautiful Freak de Eels, High/Low de Nada Surf, Pinkerton de Weezer et le génialissime Fashion Nugget de Cake, c'est pourtant petit à petit qu'elle se laisse glisser vers le Royaume-Uni, happée un peu sur le tard par les stars de la britpop alors à leur apogée. Dans tout cela, émerge une version power pop de toute fraîcheur, venue du Nord de l'Irlande : Ash. Pour ce trio mené par Tim Wheeler, Mark Hamilton et Rick McMurray, 1977 offrait toute l'énergie et la candeur nécessaire aux CDthèques de tout ado à guitares qui se respectait.

Il en a coulé de l'eau sous les ponts mais ces quelques décennies n'ont en rien altéré la puissance de composition de Ash qui reviennent en 2023 avec Race The Night, 8ème album studio (hors compilations) qui sera votre hit de la rentrée. La bande à Tim Wheeler nous avait offert en 2020 pour célébrer un quart de siècle un recueil fleuve de plus de cinquante morceaux, Teenage Wildlife : 25 Years Of Ash. Cette rétrospective très intelligemment conçue visait à faire état de toutes les phases traversées par le groupe. Enchantés d'un tel présent qui tombait sans le savoir juste avant la fermeture temporaire du monde, nous avions alors de quoi nous égayer les esgourdes durant nos très longues soirées de confinement. Privés de fêtes d'anniversaires, les concerts ayant été annulés, on pouvait se demander ce qu'il adviendrait de notre trio, craignant une rentrée dans les rangs tant la scène actuelle regorge depuis de nouveaux talents aux sonorités rock plus éclectiques.


Mais non ! Le vieux rockeur est tenace et comme il n'aura pas toutes ses annuités avant un gros paquet d'années, il rempile. Ash nous offrent avec Race The Night un retour tonitruant. A l'écoute de ces onze titres, il est tout bonnement impossible de réaliser que nous avons à faire à un groupe de quadragénaires avancés. Rarement un retour aux affaires de Ash n'a sonné aussi intemporel.
Tout d'abord, la voix de Tim qui continue de nous narguer tant elle conserve son incroyable timbre de gamin (ses recettes de grand-mères sont à partager avec son public). Puis vient l'incroyable ingénuité des compositions. La power pop d'Ash reste toujours aussi efficace qu'il y vingt-sept ans, on retrouve tout du long de l'album des morceaux délicieusement juvéniles avec riffs aussi simples que percutants : Race The Night, Usual Places, le single qui dominera dans toutes les boums (humm pardon, les « teufs » ou « bamboches », restons 2023) Reward In Mind et le très jubilatoire Peanut Brain.


Puis, Ash nous prouvent qu'ils ont toujours réussi à creuser un peu plus loin avec une salve de morceaux plus costauds, où les guitares s'empourprent et la batterie se gonfle en testostérone. On adore le côté heavy metal de Like A God, les riffs dégoulinant de décibels de Braindead où Wheeler se décide enfin à se laisser aller aux braillements de circonstances. Double Dare prend des tournures de stoner rock que ne renierait pas Josh Homme et Over & Out clôture le tout avec un mélange savamment équilibré de tout ce qui a été dit précédemment, ce qui a fait et continue de faire l'essence de Ash. Évidement, on ne passera pas à côté des quelques traditionnelles ballades dont les britanniques raffolent : Oslo et Crashed Out Wasted, dont les atours très sucrés et naïfs peuvent vous sembler aussi charmants que dispensables. C'est selon.

Ce qu'il ressort de cette écoute de Race The Mind est que vingt-sept ans après leur premier album porté aux nues par la profession et le public, Ash peuvent s'enorgueillir de détenir encore et toujours la même fougue adolescente, celle qui permet de faire fi de tous les emmerdements du quotidien pour créer un rock décomplexé, fun, rafraîchissant et surtout tellement divertissant. Sonner de manière authentique n'est pas donné à tous les vétérans des années 90. Alors, avant de se tourner vers tous les petits ersatz qui s'inspirent de ces années encore innocentes où seule la télé câblée faisait office de hype, applaudissons Ash et leur formule magique qui perdure depuis 1996.