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Coach Party

Killjoy

Coach Party - Killjoy
Chronique Album
Date de sortie : 08.09.2023
Label : Chess Club Records
35
Rédigé par Jordan Meynard, le 8 septembre 2023
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Après des années chaotiques jalonnées par les confinements liés à la pandémie de COVID-19, et à l'instar d'un trésor exhumé d'une période tumultueuse, le premier album de Coach Party voit (enfin) le jour ! Killjoy se présente avec un artwork sobre, composé de quatre squelettes, comme pour illustrer la longue attente de ses membres depuis la sortie de ses premières productions en... 2019. Comme ses ossements, sa création musicale a nécessité du temps pour se former et se consolider - avec notamment la parution de trois EPs - pour enfin être déterrés et assemblés minutieusement. La formation originaire de l'Île de Wight a également eu le temps de s'aguerrir sur scène (120 concerts au compteur pour la seule année 2022), avec pour point d'orgue un passage au Stade de France devant un parterre de 97 000 personnes en soutien d'Indochine. L'occasion pour nous de découvrir quatre musiciens turbulents explorant l'extrémité la plus rock du spectre de la musique indie labellisée made in UK. La question qui se pose aujourd'hui est la suivante : un groupe aussi exubérant et spontané a-t-il mis à profit cette mise en jachère prolongée ? Sinon, cela a-t-il enrayé d'une quelconque façon une certaine dynamique inhérente au bon fonctionnement du groupe ? On a écouté ce premier album sorti chez Chess Club Records, écurie de Phoebe Green et Sinead O'Brien.

« Nous allons tous mourir / Quel est l'intérêt de la vie ? », scande Jess Eastwood dans la piste introductive What's The Point In Life comme pour expliciter le nom de ce premier opus: Killjoy Angoissant, enragé, ce titre rappelle l'urgence et la concision de groupes comme The Strokes et Sonic Youth, avec les sonorités post-punk inhérentes à cette nouvelle scène indie rock britannique emmenée par des groupes comme Wolf Alice. Parasite vient enfoncer le clou avec un blitz de quatre-vingt-dix secondes à 150 BPM. Un vrai mur d'adrénaline qui fait la part belle aux guitares et surtout à la voix aigüe de sa chanteuse. On retrouve ces rugissements cathartiques et ces batteries lourdes en filigrane tout au long du disque, comme sur la piste fuzzy Micro Agression s'adressant à celles et ceux dont le sens de l'humour consiste principalement à blesser les autres avant de se fendre d'un de ses plus beaux « Roh, ça va ». Même veine avec le banger All I Wanna Do Is Hate, savant mélange de punk et de noise pop puissantes quitte à faire palpiter quelques cœurs comme une surdose de caféine. Une force indomptable et fiévreuse cimentée par des paroles pour le moins explicites : « Je suis intouchable / Oui, je suis une fille dangereuse / Je vais détester la merde / Vous devriez l'embrasser / Vous apprendrez à l'aimer », mais tout de même tempérée par des flairs d'électro-pop (trop) rarement dispersés tout au long du disque pour en saisir leur réelle utilité.


Si Killjoy dépeint plusieurs moments de vie loin d'être agréables, l'album laisse aussi place à l'introspection, notamment en empruntant le chemin du pop rock américain des années 90 omniprésent dans les séries télévisées de l'époque. Caractérisé par des mélodies accrocheuses et des guitares entrainantes, le genre a été le reflet sonore des aspirations, des espoirs et des défis de la jeunesse de cette décennie. Une sorte de contre-pouvoir à la première partie de l'album et de la crudité de ses paroles, prônant (contre toute attente) que la vie vaut aussi d'être vécue. Ainsi, la dream pop de Born Leader montre que Coach Party est loin d'être déprimé et laisse même place à une certaine sensibilité, notamment lorsque Eastwood évoque le réflexe que nous avons à trop réfléchir à la façon dont les autres nous perçoivent et l'influence qu'ils pourraient avoir sur nous. July, Be That Girl ou encore Always Been You cultivent cette fusion d'éléments du rock alternatif et de la pop, qui a servi de véhicule pour aborder en cette décennie 90 la quête d'identité, la recherche de soi ou encore la lutte contre les conventions de manière plus introspective que ce que l'on peut faire aujourd'hui. Coach Party baissent les armes et s'adonnent même à l'humour sur un All Of My Friends teinté de Weezer où la chanteuse et bassiste Jess Eastwood se demande comment ceux qui les entoure obtiennent un emploi pendant qu'elle pleure sur son canapé en jouant à Nintendogs.

Pour répondre à notre question d'introduction, Coach Party ont indéniablement réussi leur note d'intention en profitant du temps qui leur était imparti avant la parution de leur album. Killjoy est un premier album d'une diversité musicale remarquable, tant dans les sonorités que le propos. Une polyvalence, rendant leur musique adaptée aussi bien aux scènes de festival qu'à la BO d'une série télévisée. Cet éclectisme mérite incontestablement d'être salué, mais il est difficile de ne pas remarquer un léger manque de cohérence tout au long de l'album. La faute au fait qu'il était déjà terminé avant la signature en label. Alors que l'on se plaint habituellement de l'influence des maisons de disques qui brident leurs artistes, nous pensons tout de même que Killjoy aurait mérité qu'une personne extérieure cadre un peu ce premier effort sans pour autant aseptiser son contenu. Entre des sonorités électroniques dispensables et un certain manque de finesse évident, il ne manque au final qu'un tout petit peu de cohérence pour truster le haut du classement tops de fin d'année. Cependant, ce premier opus prometteur laisse entrevoir un potentiel artistique considérable qui pourrait s'épanouir davantage avec le temps et l'expérience.

Coach Party ont clairement la capacité d'approfondir leur identité musicale pour nous livrer un son encore plus affirmé à l'avenir.
tracklisting
    01. What's The Point In Life
  • 02. Parasite
  • 03. Born Leader
  • 04. Micro Aggression
  • 05. July
  • 06. Be That Girl
  • 07. All I Wanna Do Is Hate
  • 08. Hi Baby
  • 09. All Of My Friends
  • 10. Always Been You
titres conseillés
    What's The Point In Life, Parasite, Born Leader, Be That Girl
notes des lecteurs
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