Emma Anderson

Il n'est jamais simple de sortir un disque sous son propre nom, n'en déplaise à certain(e)s. Il aura fallu cinquante-six ans à Emma Anderson pour oser agir de la sorte. L'ex-guitariste/chanteuse de Lush et de Sing Sing franchit enfin le pas, alors que son ancienne comparse, Miki Berenyi, inespérément revenue dans le monde de la musique, a déjà deux albums à son actif sous l'alias Piroshka. Les deux femmes ont à nouveau tenté l'aventure Lush entre 2015 et 2016, mais leurs chemins se sont à nouveau séparés depuis. C'est donc un grand retour pour Emma Anderson qui n'a pas sorti de disque depuis 2016.

La musicienne est toujours restée un peu en retrait de Miki, peut-être en raison d'une certaine timidité. Néanmoins, et c'est probablement ce qui explique la différence de son entre les albums de Piroshka et le sien, cette dernière est restée elle-même sur son album intitulé Pearlies. C'est donc une histoire de quenottes et de petite souris que la Londonienne exilée à Brighton nous compte dans ce premier disque solo. Robin Guthrie, ex-Cocteau Twins, n'est probablement pas étranger au saut dans le vide de l'Anglaise. Ayant déjà produit Lush à leurs débuts, il a probablement donné confiance à Emma.
Son disque commence avec une grande délicatesse. I Was Miles Away sonne immensément juste et s'associe à ce son éthéré et cette voix fragile qui ne flanche pas. Bend The Round persiste dans cette sonorité 90's, presque shoegaze, mais surtout remplie de sensualité. La chanson colle à la peau et nous entraîne à travers ce renversant premier single dévoilé en juillet dernier, annonciateur d'un disque qui ne pouvait que nous séduire.

Car Emma Anderson ne pouvait que rester enchanteresse. Délivrant de la mélancolie sous la mélodie de Inter Light, celle-ci nous emporte dans un univers lumineux mais jamais totalement clair. Nostalgie, quand tu nous tiens... L'aérien Taste The Air nous prépare à l'harmonieuse berceuse Xanthe où; à coup de choeurs, Emma Anderson nous ramène inévitablement vers le spleen de notre passé.
Mais l'univers de la Britannique est également pop. Son passage par le duo qu'elle composait avec Lisa O'Neill au début des années 2000 a visiblement laissé quelques traces, notamment sur The Presence, petit joyau tendre à croquer. Bien évidemment, Emma Anderson ne renie pas son passé shoegaze. Si le son est loin de s'apparenter à la noisy pop de son défunt groupe, le côté brumeux de son label de l'époque n'a lui pas disparu. Que ce soit sur l'étonnant Clusters, second extrait et morceau de clôture de Pearlies, ou à d'autres moments positionnés à la fin de son album, l'Anglaise ne déroge jamais de ce qu'elle fait faire le mieux, en l'occurrence nous entraîner dans le rêve.

Pearlies est donc le coup de poker de celle qu'on n'attendait plus. Hébergée par Sonic Cathedral, Emma Anderson fait bien mieux que sortir un simple disque surfant sur la vague de la nostalgie. Celle-ci a vraiment osé reproduire musicalement les émotions qui l'animent pour notre plus grand plaisir. Si son exil avec Sing Sing a vécu le temps de deux albums et d'une poignée de singles, on espère que celle-ci continuera l'aventure en solo qu'elle a joliment débuté avec ce disque.