Chronique Album
Date de sortie : 24.11.2023
Label : Practice Music
Rédigé par
Bertrand Corbaton, le 21 novembre 2023
La musique a ceci de magique dans sa faculté à véhiculer des images. Les photographies qui viennent à votre esprit, à l'écoute d'un morceau seront différentes selon la sensibilité, la culture ou l'expérience de celui qui la reçoit. Ainsi une musique, un son seront générateurs d'autant de films qu'il existe de personnalité. Néanmoins, certains ressorts permettent de réduire le champ des possibles et peuvent conduire votre imagination sur le chemin vers lequel l'artiste voudra vous amener. Chez Meadow Meadow, cette affirmation fonctionne totalement, bien aidé il est vrai par ce nom de groupe qui aiguille déjà utilement l'auditeur sur le territoire qui l'attend.
Certes, le premier EP Silhouettes sorti en 2021 avait également donné bien des indications sur l'univers de la formation, et You Are So Alive qui nous intéresse aujourd'hui ne va pas réellement brouiller les pistes tant il est une suite évidente aux travaux présentés deux ans plus tôt. Meadow Meadow est un groupe dont la musique sent la campagne et les herbes hautes. Ce disque et ses intonations très largement acoustiques sont une invitation à quitter le tumulte de la ville et son air vicié. Surtout, c'est une espèce de calme paresseux qui se dégage des compositions du groupe, comme sur l'indolent Exhaustion et son habillage au violon.
La musique de Meadow Meadow est caractérisée par une douceur extrême, interprétée notamment par les notes de piano fugaces qui arpentent leurs compositions. Ces musiciens semblent soucieux de vous plonger dans une léthargie infinie, à l'image de ce qu'il se passe sur le titre éponyme. Le lumineux et bien nommé In The Sun est comme un rayon qui se dépose sur un champ de blé, l'éveil de la nature sur la campagne. You Are So Alive est une parenthèse dans votre vie et semble avoir été conçu comme tel, une volonté de vous embarquer dans une balade sur des petits chemins, à l'image de A Narrow Road, délicat au possible. Parfois, le ton se fait plus grave comme sur Rain, mais il n'est question que d'un nuage un peu gris qui n'a pas vocation à troubler la traversée paisible que nous propose le groupe, et très vite la petite balade soyeuse You Are The Light nous ramène vers un terrain moins accidenté. À son extrémité, voici la perspective de la rencontre avec Lucille, au caractère plus nerveux, mais pourtant pleinement en adéquation avec le panorama d'ensemble.
Ces vacances estivales loin de la ville pourraient être un moment d'élévation, une bulle cotonneuse où l'on aime se réfugier. Pourtant, tout n'est pas si simple, et malgré les efforts déployés, c'est l'ennui qui finit par envahir le voyageur. Sur Talulah, la balade est ennuyeuse au point qu'elle semble ne plus finir, et quand arrive In The Tall Room, nous voici à nous sentir comme un randonneur à la recherche du moindre petit signal réseau pour mettre fin à ce désarroi quelques instants. On comprend alors que Meadow Meadow nous ont embarqué dans un traquenard, et que les belles promesses ne seront pas suivies d'effet tant You Are So Alive manque d'un souffle de vie qui donnerait corps à l'ensemble.
Malheureusement, rien ne se passe ici et malgré de belles intentions et une assurance certaine, le voyage se transforme rapidement en encéphalogramme plat, en cheminement sans aspérité et sans surprise. Au bout de cette trop monotone escapade, l'impression de n'avoir rien vécu est prégnant. You Are So Alive est tel un clignement des yeux, une traversée d'un village à l'autre où vous auriez dormi tout le long. Ainsi, sous couvert de simplicité, de vouloir dépouiller son propos pour quelque chose d'authentique, la musique de Meadow Meadow renvoie une fausse image cérébrale bien fade, qui ne touche pas. C'est assez dommageable car le potentiel de ces jeunes gens n'est absolument pas à mettre en cause. Mais la proposition d'un tel voyage engage à un supplément d'âme que You Are So Alive n'est malheureusement pour l'instant pas en mesure de vous apporter.