Adult Jazz

Nous n'avions plus entendu parler d'Adult Jazz depuis la sortie de Earrings Off!, mini album conceptuel sorti en 2016. Il aura donc fallu s'armer de patience pour découvrir So Sorry So Slow, petit écrin d'étrangeté et de beauté.

A l'heure des albums calibrés pour les radios et playlists, et des compositions lisses couplets/refrain, le quatuor de Leeds fait figure d'OVNI avec ses douze morceaux tous plus torturés et bancals les uns des autres. On avait découvert le groupe en 2014 lors de la sortie de son premier album, Gist Is, et dès lors, il apparaissait évident qu'il diviserait tant son approche et sa sensibilité sortent des sentiers battus.
Pour ce disque initialement prévu pour une sortie en 2018, Adult Jazz ont préféré peaufiner les moindres détails et proposer une richesse instrumentale et artistique encore plus étoffée que précédemment. Ici encore, les thématiques sont à la fois légères et profondes, des relations amoureuses perdues à l'angoisse écologique.

A ce propos, Harry Burgess, chanteur et parolier, écrit « Une fois que nous avons commencé à écrire, les idées sur les relations personnelles non durables, l'amour inégal et le chagrin d'amour se sont mélangées à un regret plus expressément écologique. Comme faire face à de grands sentiments de perte, de fin, de beauté, de désolation, et à la quantité de joie que la terre contient en elle. Ressentir tant de gratitude liée à des vagues de tristesse ». Il est rare que quelques mots transcrivent si bien un album. En effet, on retrouve sur les douze morceaux un mélange bouleversant entre beauté, noirceur, angoisse et délicatesse, l'auditeur ne sachant de quel côté pencher.
La voix fantomatique, le falsetto et la fragilité du chant d'Harry Burgess restent les éléments les plus caractéristiques, bien que l'on retrouve aussi ces rythmiques dissonantes, faussement bordéliques, très empreintes de jazz, rappelant les débuts d'Animal Collective, période Campfire Songs (notamment sur No Relief).

Sous ce foutraque usant des contretemps et d'associations singulières, on comprend que les progressions de ce So Sorry So Slow ne sont jamais laissées au hasard, enchaînant des interludes étranges, à l'image de Earth Of Worms, et des moments plus entraînants (Dusk Song). Les cordes viennent envelopper le chant (Suffer One) utilisant des structures déroutantes, se faisant parfois grinçantes (Y-rod), le tout dans une grande tension, une angoisse latente.

Cet album, théâtral et introspectif, signe un retour audacieux pour Adult Jazz. Leur créativité se dévoile une fois encore, jouant des sonorités et poussant l'auditeur dans ses retranchements. Même s'il ne plaira pas au commun des mortels, So Sorry So Slow est une pépite unique dans le paysage musical actuel.