Chronique Album
Date de sortie : 10.05.2024
Label : Dead Oceans
Rédigé par
Franck Narquin, le 8 mai 2024
MRCY est le projet du producteur Barney Lister, connu pour son travail sur les albums de Obongjayar, Joy Crookes ou Olivia Dean, et du chanteur Kojo Degraft-Johnson, collaborateur de Cleo Sol et Little Simz. Barney et Kojo se sont connectés via Instagram pendant le confinement avant de se rencontrer pour donner naissance à ce groupe dont l'ambition affichée est de produire une musique inspirée de la Northern Soul des années 60 et 70 et de leurs idoles de toujours tel que Marvin Gaye ou Donny Hathaway, mais avec l'approche contemporaine et novatrice d'artistes tels que Sault ou Anderson .Paak.
On se doutait bien qu'avec de tels CV et de si louables intentions, l'objectif fixé était largement à leur portée et tout juste craignions nous l'exercice de style au clinquant ostentatoire. Bien loin d'un tel écueil, MRCY présentent avec Volume 1, huit morceaux de soul de facture classique magnifiés par une production aussi riche que subtile. Bien que la soul ne soit que rarement traitée dans nos pages et probablement pas le genre préférée de la majorité des lecteurs de Sound of Violence, il nous était impossible de passer sous silence une telle œuvre qui parvient comme rarement à allier tradition et modernité.
Volume 1 débute de la plus belle des manières grâce à R.L.M qui tente de restituer la douceur d'une promenade en voiture entre amoureux par une nuit pluvieuse dans les rues de Rye Lane, quartier du sud de Londres où vit Barney. S'ouvrant par de vibrants chœurs soul et porté par la voix chaude de Kojo, ce titre au doux parfum 60's a des allures de classique instantané dont la gracieuse mélancolie évoque des artistes de la trempe de Bobby Womack. Le duo maintient ensuite ce cap avec Lorelei, tout premier single sorti par MRCY, qui convoque le spleen de Marvin Gaye autant que le groove délicat de Childish Gambino ou les orchestrations chatoyantes de Sault et s'impose comme un exemple parfait de soul moderne, classique mais jamais passéiste.
Avec sa basse ronflante, son chant sec et ses effets psychédéliques, Purple Canyon nous fait voyager dans les années soixante-dix avec la même réussite que ces deux prédécesseurs tandis que Days Like This nous convie sur le dancefloor grâce à sa partie de batterie énergique et son esprit feel good quelque part entre la Motown et Jamiroquai. California invite plutôt à se prélasser sous le soleil californien au risque de légèrement s'assoupir sous ses caresses douces comme du velours mais manquant un peu de relief.
On est vite réveillé par Flowers In Mourning, brillante composition florale mêlant afrobeat et northern soul, relevée par une ambitieuse orchestration aux tonalités jazz et psychédélique. Si ce titre n'accroche pas à la première écoute autant que R.L.M ou Lorelei, sa virtuosité en fait néanmoins un des sommets de Volume 1. Après la démonstration technique, faisons place à l'émotion car même les plus durs cœurs de pierre ne pourront retenir leur petite larme au son de Powerless et de Candles, impuissants face à la beauté ravageuse et la sensualité contagieuse de ces renversantes balades.
En à peine trente minutes, MRCY nous auront pleinement convaincus de la pertinence de leur démarche et de leur capacité à faire du neuf avec de l'ancien. Sûrs de leur force et de leur talent, Barney Lister et Kojo Degraft-Johnson n'ont pas besoin d'en faire des tonnes et se consacrent à l'essentiel, soit composer des belles chansons, qu'ils interprètent avec brio et sincérité et subliment par une production élégante et inventive. Après ce remarquable Volume 1, on n'attend plus que MRCY nous livrent les numéros suivants car eux qui étaient il y trois mois pour nous de parfaits inconnus nous semblent déjà être de vieux amis.
Pour conclure, on laissera le dernier (jeu de) mot au grand Marvin Gaye : MRCY Mercy Me.