Bernard Butler

Il s'en passe des choses en vingt-cinq ans. Concernant les fans de Bernard Butler, le temps probablement d'atteindre le seuil de renouvellement de la population et ainsi d'initier sa progéniture a ses nombreux fait d'armes, évidement en tant que fondateur d'un de plus beau groupe de Britpop qui soit, Suede, puis à l'une de ses très nombreuses collaborations musicales (nous renvoyons nos fidèles lecteurs au paragraphe de la page Wikipédia en anglais de l'artiste, tellement fournie que nous avons même découvert certaines d'entre elles), retenant plus particulièrement la dernière en date, soit le très beau disque élaboré avec l'actrice Jessie Buckley, For All Our Days That Tear The Heart, nommé au fameux Mercury Prize en 2022. Vingt-cinq années qui nous séparent donc du dernier album solo de Bernard Butler, Friends And Lovers, paru en 1999. Bon nombre de ses admirateurs n'ont jamais vraiment compris ce choix de rester dans l'ombre des autres, ce pourquoi chacun de ses nombreux projets, tant en duo qu'en tant que producteur, a toujours été attendu avec impatience, et pisté scrupuleusement.

Pourtant, l'aura de Bernard Butler demeure conséquente. Lorsque se dernier se met sous le feu de projecteurs, c'est toujours un réel plaisir de s'immerger dans son écriture raffinée et de retrouver dans ses compositions ses nombreuses influences tant rock 70s que folk. Nous voilà donc enfin récompensé de notre patience avec le troisième album intitulé Good Grief, qui arrive à point nommé pour venir garnir notre playlist estivale, celle que l'on dégustera le soir après les journées éreintantes au camping ou à la plage, afin de se relaxer et s'évader au son de la guitare riches en émotions du musicien.


Good Grief est un recueil de neuf chansons où la guitare se fait autant folk légère que rock bluesy. L'album dévoile tout au long du tracklisting comme un sentiment de maturité, chaque morceau faisant ressortir un réel sentiment de profondeur, tant dans l'orchestration extrêmement soignée que dans les paroles évoquant beaucoup de mélancolie. Camber Sands, premier single du disque, se tourne de façon nostalgique vers le passé et l'évoque de façon très poétique (« So I turned my face towards the city, My heart filled with stories like relics of the past ») tout comme Pretty D qui évoque un chagrin d'amour vieux de vingt ans (« Well it's been twenty years since we lost heart, I misplace your number, now I miss you so much, I'm losing my mind, baby, why don't we start it again? »). La charge émotionnelle est puissante, et les thèmes empreint d'histoires d'amour malheureuses mais d'une grande beauté sont légions comme dans London Snow et son refrain poignant. Toute cela est évidement mis en musique de façon majestueuse, Bernard Butler usant de nombreux effets de guitares qu'il pratique toujours de façon magistrale, piano, instruments à cordes, avec un effet symphonique et son chant habilement mis en exergue.

En 2024, Bernard Butler chante tel un crooner, on apprécie son timbre de voix doucement éraillé, un effet « chanteur de charme » qui donne énormément de cachet aux titres. Il y a comme des nuances de folk americana, d'influences venant de l'autre côté de l'Atlantique, tout en préservant la subtilité de cette pop britannique qui continue de marquer son style. C'est alors que l'on se demande pourquoi le musicien n'a pas beaucoup plus exploité son talent à ses propres fins, capable de produire de magnifiques et solides ballades, chaudes et intenses comme plus légères.


L'écoute du disque se fait d'une traite, tant et si bien qu'un certain ronronnement se fait un peu ressentir au fil des plages qui défilent. Un sentiment qui impose de se plier à l'exercice en mode totalement déconnecté de toute autre activité, afin de s'immerger totalement dans l'ambiance un peu bohème de cet album. Sans avoir de single qui sorte réellement du lot, ce répertoire plaira autant aux fans fidèles qui ont suivi les pérégrinations de Bernard Butler depuis trois décennies qu'aux néophytes ayant des envies de chanteurs authentiques aux textes particulièrement soignés.

Good Grief signe un retour aux affaires très réussi, la rareté des productions de Bernard Butler les rendant particulièrement précieuses. Alors qu'il s'affaire en ce moment à promouvoir son inattendu nouvel album sur scène au Royaume-Uni, la France espère toujours retrouver le musicien en live pour nous faire profiter à notre tour de son très grand talent.