Kasabian

Happenings est le deuxième album de Kasabian avec Serge Pizzorno comme unique chanteur, ce dernier assurant aussi ici tout seul le rôle de producteur. Tuons rapidement le suspense: la pente fort glissante sur laquelle le groupe s'aventure depuis 48:13 semble désespérément longue.

Oublié les Kasabian auteurs de tubes parfaits comme Club Foot, Fire ou Underdog. Enterré le Serge Pizzorno capable de ballades kinksiennes du type Ladies And Gentlemen, Roll The Dice. Happenings semble avoir été créé par Serge Pizzorno pour Serge Pizzorno, et ne sonne en tout cas absolument pas comme l'oeuvre d'un groupe. Tous les instruments sont compressés et formatés à outrence, ne laissant absolument pas les musiciens exprimer leurs personnalités. Tous les morceaux, à l'exception de G.O.A.T. et Bird In A Cage, qui ont un tempo plus lent que le reste, sonnent de façon identique, de sorte qu'il est quasiment impossible de les distinguer les uns des autres après une seule écoute. Alors même que, fait rare, l'album comporte dix titres mais dure... vingt-huit minutes seulement.

Avec un tel ratio, on espérait avoir affaire à un brûlot électro-rock qui crame les doigts et les oreilles. Au lieu de ça, on a droit à une enfilade de titres totalement quelconques, ultra calibrés pour faire sauter les foules dans les festivals, à grand renfort de "oh oh oh" dans les refrains (Passengers, Algorithms) et de batterie qui fait poum-poum non stop. Tout est d'une platitude et d'une uniformité affolantes, avec une production horrible faisant passer le dernier album de Coldplay pour un sommet de raffinement. Et cela ne semble pas découler de l'absence de Tom Meighan, car niveau chant, Serge Pizzorno s'en tire honorablement (avec quand même un gros doute sur l'utilisation de l'Auto-Tune sur certains passages). Seulement voilà, il n'y a plus une once de créativité, voire, plus grave, de sincérité dans cette petite demi-heure de musique.

De par le passé, quand Kasabian signaient des titres "commerciaux", ces derniers étaient bien troussés, avec notamment des vraies mélodies (L.S.F., Shoot The Runner), qui faisaient mouche. Sur Happenings, tout passe à côté de la cible, à de très rares exceptions près. On pense notamment à l'intro de Italian Horror, qui ravive vaguement la flamme avant que de nouveaux choeurs, puis un refrain balourd, ne viennent jouer le rôle de douche écossaise. Il en devient difficile de parler d'un disque aussi vide, aussi vain, tellement Serge Pizzorno semble avoir usé et abusé du copier-coller pour créer ce disque. Et comment, en tant que producteur, imaginer des arrangements aussi bancals et incohérents que ceux de Bird In A Cage ? Incompréhensible !

Pour donner une idée du naufrage, c'est Algorithms, premier single extrait de l'album et datant d'il y a plus d'un an, placé en clôture l'album, qui en est le moins mauvais titre, malgré de très nombreux travers. Happenings vient donc confirmer ce que l'on pressentait avec The Alchemist's Euphoria : Kasabian n'est clairement plus ce qu'il était, et emprunte désormais une voie très éloignée de l'électro-rock d'antan. Tant mieux pour la tirelire de Pizzorno, car nul doute que le groupe cartonnera dans les plus grands festivals avec ses refrains taillés sur mesure, mais tant pis pour les fans des débuts, qui retourneront très vite écouter Empire ou West Ryder Pauper Lunatic Asylum.