Soft Play

Il s'en est passé des choses en six années. On ne va pas vous refaire l'almanach malheureux tant politique que sanitaire, nous l'avons encore que trop en tête, nous nous placerons donc sous l'angle de vue de Isaac Holman et Laurie Vincent, ex-Slaves devenus depuis SOFT PLAY. Tout d'abord ce changement de patronyme que beaucoup ont trouvé étrange mais que le duo a ressenti comme nécessaire en ces temps où tout est sujet à polémique. Mais avant tout, ce hiatus de quelques années a vu les deux anglais traverser pas mal d'épreuves personnelles très difficiles (ndlr : perte de la compagne et maman des enfants de Laurie, dépression sérieuse pour Isaac), on ne peut donc que se réjouir du retour aux affaires de Soft Play avec leur quatrième album studio Heavy Jelly.


Si nombre de nos lecteurs auront comme une impression de déjà vu en observant cet énorme gâteau gélatineux sur leur pochette (drôle de coïncidence de choisir le même dessert peu ragoûtant que The Family Rain quelques semaines plus tôt), d'autres ressentiront cette même impression mais avec le contenu. Heavy Jelly est un retour de SOFT PLAY en bonne et due forme, tant et si bien que les onze titres servent si bien la cause de leur punk destroy tout débridé que, reconnaissons-le, la nouvelle livraison manque un peu d'innovation.
Ce n'est néanmoins pas un argument complètement négatif s'agissant du style d'Isaac et Laurie. Rappelons déjà que duo ils demeurent depuis leurs débuts. Ainsi, l'énergie déployée, même sur disque, rencontre toujours quelques limites (nous sommes ici à un paquet de miles d'un autre duo qui, malgré ses énormes moyens, continue de nous ennuyer sur disque et en concert, les brightoniens de Royal Blood). Nous avons tout de même la surprise de rencontrer un invité de marque qui pointe le bout de son nez dans le tracklisting, en la personne de Robbie Williams sur les chœurs de Punk's Dead. Fan du duo depuis de nombreuses années, ce dernier est allé directement proposer ses services, et amusé tout comme flatté de ce que certains ont pu confondre Isaac avec une version plus jeune de lui, la collaboration n'en a été que plus cocasse. Le résultat est assez réussi, le morceau comme tous les autres déballant à 1000 à l'heure ses décibels pour casser le rythme avec son refrain presque pop chanté par Robbie, donc très sarcastique.


SOFT PLAY amorcent leur retour avec une série de titres gonflés à la testostérone, parodiant eux même l'aspect velu de leur musique avec une imagerie queer toute en muscles, tattoos et corps huilés sur les réseaux sociaux. Avec cette recette bulldozer, on peine un peu à s'accrocher à un morceau en particulier, retrouvant pêle-mêle toutes leurs influences passant de System Of A Down à IDLES. C'est cependant ici un ensemble bien plus brut de décoffrage que le plus recherché Act Of Fear And Love, qui avait laissé les plus accros à l'énergie bestiale des Anglais un peu sur le carreau. On notera cependant Bin Juice Disaster qui nous fait retrouver avec énormément de délice la gouaille et le jeu démoniaque d'Isaac à la batterie, le très bon Mirror Muscles en mode post-hardcore, et le touchant Everything And Nothing, qui vient clôturer l'album sur une petite note plus sensible, avec ce jeu de mandoline et le chant à fleur de peau d'Isaac donnant un très beau cachet au tout.

Heavy Jelly est semble-t-il l'album de la renaissance, Isaac Holman et Laurie Vincent revenant de loin tout en nous rassurant sur leur capacité à toujours exploser le taux de décibels autorisé. Sans jamais révolutionner le genre, misant sur la formule qu'ils maitrisent la mieux, soit du pur punk totalement dynamité, SOFT PLAY assurent un atterrissage en douceur, si ce n'est les futurs hématomes et autres contusions à venir dans la fosse de leurs prochains concerts.