Blur

Avec cet album Live At Wembley Stadium, Blur gravent dans leur discographie deux concerts mémorables donnés durant l'été 2023 devant plus de 150 000 spectateurs au total. Une première pour le groupe comptant près de 35 ans de carrière.

On commence avec l'un des titres phare du dernier album, St. Charles Square, qui permet de poser l'ambiance et de se rendre compte qu'ils sont en forme et que Damon est bien disposé à donner de sa personne, notamment en hurlant, puis on continue sur la lancée des titres enjoués avec l'un des plus gros tubes du groupe, There's No Other Way, qui garde toute sa fraîcheur et son potentiel dansant plus de trente ans après sa sortie. Deuxième single de Blur, il vient faire la liaison entre les débuts de leur carrière et le dernier album sorti cette année. Les fans se verront récompensés puisque les Anglais joueront notamment Popscene, titre fétiche venant prouver à quel point le groupe a été, ces trois dernières décennies, pourvoyeur d'un nombre incalculable de brûlots et de tubes, permettant de sauter partout en hurlant des « Yeah yeah » et des « Ouh ouh ».

Lors de cette promenade dans la discographie du quatuor, Beetlebum vient rappeler l'album de la rupture avec les années britpop et l'amorce de ce qui sera une période incroyable avec l'album éponyme et 13. Damon semble ici jouir du moment alors que l'on peut profiter de la justesse des backing vocals de Graham Coxon qui, s'il fallait encore le justifier, est la seconde partie de la colonne vertébrale du groupe.
Entre deux ou trois incontournables, vous l'aurez compris, il n'y aura quasiment que ça sur cet album live, on assiste à des moments de symbiose, des instants illustrant la place que tient Blur dans le cœur des Anglais. C'est le cas avec Coffee & TV, où Graham est accueilli, comme à l'accoutumée, par des applaudissements nourris. Refrain, ligne de basse entêtante, guitare grinçante, tous les ingrédients magiques qui font la recette de Blur sont présents. Under The Westway, sortie pour le concert à Hyde Park en 2012, vient créer pour la première fois de la soirée, cette communion solennelle avec le public.

Les guitares et la basse sur Out Of Time nous rappellent aussi que Blur, ce n'est pas que le storytelling de Damon, ce sont aussi des mélodies et des musiciens incroyables, des compositions reconnaissables entre mille et un rapport à la musique qui leur permet de se glisser parmi les groupes qui ont su se réinventer et survivre à la vague 90's sans ressasser une recette déjà éculée. On pourrait s'arrêter sur les dix-sept morceaux composant ce Live At Wembley Stadium qui sont tous les témoins de la carrière des Anglais.
Evidemment, on se réjouit du duo avec Phil Daniels sur Parklife, toujours aussi efficace, on exulte sur Girls and Boys, l'hymne des quadras avides de musique britannique au début des années 90, on sautille sur Song 2, mais Blur, c'est aussi des ballades hors du temps, à l'image de Tender, To the End ou encore The Universal. S'ils boudent The Great Escape et estiment que c'était l'album de trop dans cette période périlleuse mentalement pour eux, il n'empêche qu'il aura permis la sortie de cette pépite, dont on se souvient d'un vidéo clip au visuel emprunté à Kubrick et son Orange Mécanique.

Peu de groupes ont réussi la prouesse de se réinventer autant, de se remettre en question, de basculer vers des styles qu'on ne leur prédestinait pas. Ce concert rassemble toutes les périodes, toutes les étapes de la carrière prolifique de l'un des plus grands groupes britanniques de ces trente dernières années. On pourrait faire la fine bouche en reprochant de grands absents à cette setlist (quid de Charmless Man, Sunday Sunday ou encore For Tomorrow ?) mais ceci ne ferait qu'étayer notre propos : Blur sont une usine à tubes et garderont une place particulière dans le cœur de plusieurs générations. Ils auront ici réussi l'exploit de créer une intimité avec leur public dans un stade rempli de plus de 70 000 spectateurs. Evidemment, la nostalgie n'est pas étrangère à ce phénomène mais pourquoi bouder un si grand plaisir ?!