And So I Watch You From Afar

Avec Megafauna, And So I Watch You From Afar signent leur septième album sur un format plus classique que Jettison, leu opus précédent.

On les avait adorés sur Gangs, leur second disque, avec ses variations rythmiques, ses mélodies imparables et ce post-rock qu'ils renouvelaient sur un format court, non conventionnel ; All Hail Bright Futures, qui l'avait suivi, avait vu la recette s'affranchir encore plus des conventions : toujours un peu plus de chant, des rythmes dansants, s'éloignant parfois des sentiers battus. And So I Watch You From Afar avaient su être plus que convaincants.
Le reste l'avait beaucoup moins été et la frivolité et la légèreté les avaient quelque peu perdus sur les deux albums ultérieurs ; le renouveau est toujours le bienvenu pour un groupe mais à vouloir trop explorer, on peut aussi laisser passer l'essence. En 2022, avec le projet autour de Jettison, nous avions pu retrouver l'audace et la beauté du quatuor irlandais qui avait su tant nous enchanter. Aujourd'hui, Megafauna, une ode à leur Irlande du Nord d'origine, particulièrement à la côte nord et à Belfast, revient à un format plus conforme à ceux de leurs débuts.

Dès North Coast Megafauna, on retrouve les petites guitares math rock familières, très mélodiques. Le morceau est scindé en deux temps distincts et la seconde partie est moins légère, moins enlevée, et on retrouve ces références à Isis ou Pelican qu'ils avaient délaissées ces dernières années. Rory Friers en dit « C'est une lettre d'amour à la côte nord, à nos amis, à l'énergie, aux journées froides passées à faire du skateboard, aux longs étés dans la mer, à notre salle de concert bien-aimée, à la proximité de tout cela. On y retrouve le cœur de la terre et le poids de l'Atlantique Nord ». Cette alternance entre lourdeur et légèreté se retrouvera sur les neuf titres, permettant de créer ces moments d'urgence et ceux plus en suspens comme sur Years Ago.

Ce qui a toujours fait la singularité des nord-Irlandais, c'est aussi cette capacité à picorer sur les rythmes, à l'image de Do Mór, qui commence de manière calme et rythmée pour exploser sous les guitares sautillantes. Ça part un peu dans tous les sens, on parcourt de nombreux styles, émotions et tableaux différents. Les percussions sont particulièrement captivantes et on se régale de la maîtrise du groupe pour les transitions non conventionnelles amenées d'une main de maître.
On retiendra également le diptyque consacré à Mother Belfast, la bande son de leur vie. On imagine aisément se greffer un long plan sur la ville. On assiste ici à une belle progression, stop and go et moments de calme avant de retrouver l'adrénaline et la lourdeur des guitares. Il y a beaucoup de tension, d'explosions aussi, de retenue, pour ensuite mieux éclater. La seconde partie commence de manière plus dense, avec une rythmique lourde et marquée, contrebalancée par des guitares sautillantes. En quelques secondes, on change de cadence. Ces deux séquences retranscrivent l'hétérogénéité et le pluralisme de cette ville si particulière.

Si on a perdu l'aspect dansant de All Hail Bright Futures, Megafauna navigue entre urgence et contemplation, entre légèreté et lourdeur et cette ambivalence est sublimée par des progressions travaillées et une cohérence diffusée du début à la fin.