Geordie Greep

Une batterie rapide, précise et jazzy dès les premières mesures : sachant que c'est Geordie Greep qui chantera et jouera de la guitare, on peut s'attendre à quelque chose qui ressemble à black midi, son ancien groupe au style pourtant inimitable. Ce dernier s'est sabordé pendant l'été et après trois excellents albums, leur chanteur reprend sa liberté alors que leur style était déjà très libéré. Alors à quoi cela ressemble-t-il d'être plus libre que libre ?

La voix est claire, soulignant davantage l'importance des paroles qui sont jointes au dossier de presse, ce qui est aussi louable que rare. Peignant un univers musical coloré avec des chœurs et une section de cuivres, The New Sound prend des airs de comédie musicale. L'intrigue se passerait dans une cité dont les richesses brillent sous le soleil, avec une ambiance latine, résolument moderne et dont l'extravagance flirte avec la décadence. Pas étonnant quand on sait que le disque a été enregistré à São Paulo et à Londres.


Les riffs de guitare se confondent avec les cuivres distordus, même la voix suit ces effets de vibrato, slide ou pitch bend. Le piano et la batterie sont joués de manière plus académique avec beaucoup de technicité, indispensable pour imposer ce rythme effréné. Ils seraient complètement à leur place sur un disque de jazz, mais pas besoin d'effets de production pour leur donner un souffle de nouveauté dans un environnement post-punk où ils détonnent naturellement. En fait, tout The New Sound présente une orchestration organique. Pas besoin non plus d'effets de production ou de samples pour donner une densité foisonnante voire symphonique. Trente musiciens d'horizons variés ont participé à l(enregistrement, tout le monde comprendra que Geordie Greep se sentait à l'étroit dans un trio !

Si black midi étaient à la pointe de la mouvance post-punk, tant post brexit que post COVID-19, ce premier album de Geordie Greep est davantage l'héritier de George Gershwin que de Joy Division. Des paroles fleuves font davantage penser à un opéra qu'à des chansons rock avec une liberté plus jazz que punk et une instrumentation qui tire plus sur l'orchestre que le groupe de garage. Dans toute son exubérance, l'anglais est aussi capable de retenir son flow exubérant, sur un morceau plus calme et intimiste comme Motorbike. Ce n'est que reculer pour mieux sauter dans une montée dramatique et flamboyante qui rappelle les films de Baz Luhrmann.

A force de l'explorer ce disque, on en vient à la conclusion que The New Sound est l'album, ou du moins celui sorti en 2024, à emporter sur une île déserte. Il est riche et dévoile de nouveaux détails à chaque écoute, il s'écoute fort pour mieux les entendre, son ambiance tropicale ira parfaitement avec le décor alors que ses histoires lancent un dernier pont avec la civilisation. Mon entourage n'appréciera pas forcément, ça tombe bien, je serais livré à moi-même. Mais surtout il n'est pas impossible que sa folie finisse par m'emporter et me fasse oublier ma condition de Robinson.