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Coldplay

Moon Music

Coldplay - Moon Music
Chronique Album
Date de sortie : 04.10.2024
Label : Parlophone
25
Rédigé par Laetitia Mavrel, le 5 octobre 2024
Un jeudi soir, 23h30. Enfermée dans un bureau, seule, les couloirs de la rédaction ayant été désertés par les collègues depuis de nombreuses heures. La porte est fermée à clef de l'extérieur, afin de d'obliger la présente à respecter sa mission dans les temps. Tout cela en moins de 24 heures, la missive nous ayant été seulement communiqué le matin même, son niveau de confidentialité étant extrême. Face à elle, un ordinateur, dans les oreilles, le dernier album de Coldplay intitulé Moon Music. Encore plus dangereux qu'une mallette contenant l'arme nucléaire, c'est avec deux gorilles postés devant l'entrée que la chronique de ce dixième album studio est lancée, attendu comme le messie par les uns, redouté telle une nouvelle pandémie par les autres. Il est prévu deux autres Men In Black devant le domicile de la rédactrice dès la publication de son article, les représailles pouvant être de taille si les mots déplaisent.

C'est donc avec un brin de pression que l'écoute débute, et cette dernière est minutieusement faite en faisant fi de nos déconvenues très personnelles avec Coldplay depuis Mylo Xyloto. Tâche compliquée, et nous appuierons ici la position de Sound Of Violence concernant les dernières productions du groupe de Chris Martin, soit du très grand n'importe quoi où de rares goulées d'air frais peuvent être happées hors de la vague, bien trop furtivement. Mais nous demeurons éternellement optimistes (ou bien nous aurions définitivement raccroché les gants après le décès de David Bowie), et comme nous avons profondément aimé Coldplay, nous les suivons fidèlement tout du long, conscient que Chris Martin demeure malgré ses errances un excellent songwriter pop.


Moon Music prend donc place après une belle série de déceptions, et lorsque l'intro de Moon Music, le titre éponyme, débute, le sentiment est comme celui d'un réveil après une longue nuit comateuse. Suite à une furtive intro qui exerce comme une passerelle avec Music Of The Spheres, la douceur des violons et la beauté du piano nous touchent au cœur. La patte Jon Hopkins y est probablement pour beaucoup, mais c'est bien un Chris Martin au naturel que nous retrouvons et cela fait du bien. Serait-ce enfin le retour providentiel vers une pop classieuse et humble que nous attendons depuis si longtemps ?

C'est alors ici que le réveil se révèle être en fait plus brutal qu'il n'y parait. Moon Music, même s'il fait preuve de mieux, demeure un terrain miné, défiguré quasiment un titre sur deux par les mésusages des rouleaux compresseurs qu'affectionne tant Chris Martin depuis son américanisation. feelslikeimfallinginlove, seconde plage du disque, continue pourtant de porter nos espoirs, renouant avec la pop ensoleillée du groupe. C'est après que la tempête débute, et le déluge qui nous tombe sur la tête ferait passer celui de Noé pour une averse printanière. Sans transition aucune, nous plongeons dans les abymes de la production sans âmes et ordurière avec We Pray, assemblage de violons et de boucles sortant tout droit d'une mauvaise compilation de dance circa 1995. Nous regrettons la complicité de Little Simz, pourtant artiste de poids et reconnue de tous.
Le choc est de taille mais nous persistons dans notre envie de retrouver du grand et du beau. Ainsi, nous parcourons ce chemin semé d'embuches en nous raccrochant comme à un radeau aux moments plus éclairés tels Jupiter et son piqué presque naïf et attendrissant, certes ampoulé inutilement par des chœurs bien dispensables, l'échappée dans les nuages de Rainbow et son atmosphère cosy, où le timbre de Chris Martin continue de faire mouche, tout comme All My Love qui cependant aurait gagné à s'alléger de trop de lourdeurs dans les arrangements, qui viennent plomber cette très belle mélodie.


C'est en voulant faire danser les masses (et nous savons qu'elles sont nombreuses) que Chris Martin se fourvoie. Good Feelings, autre duo cette fois ci avec Ayra Starr, remplit le cahier des charges d'une disco pop étonnamment cheap malgré les moyens déployés, et l'on voit déjà les milliers de bracelets s'illuminer dans le Stade de France à cet exact moment où le refrain nous serine son plaidoyer en faveur de bons sentiments, « cœur fait par les doigts » (notre taupe dissimulée parmi la communauté de fans de Coldplay nous ayant rapporté cette habitude devenue H24) : « Good feelings we have together – lalalala » , ces « lalalala » usant de chœurs enfantins, ingrédient au combien redoutable à manipuler. iAAM est comme un mix du bon et du mauvais que nous trouvons chez Coldplay, jonglant entre couplets pop bien posés et refrains à l'enthousiasme un peu trop poussé, sonnant creux à force de paroles niaises et malgré une musique plutôt entrainante, la guitare se faisant enfin entendre. Nous n'échappons malheureusement pas dans cette nouvelle fournée au très mauvais, ce dernier se nommant Aeterna, hymne clubbing gorgé des pires artifices : vocoder, déferlante d'échos démesurés, percée dans les aigus véritablement dissonante et tempo digne d'une bande pré-enregistrée d'un Bontempi de 1986. A la question pourquoi des chœurs gospel à la fin du titre, toute notre culture et nos longues années de travail acharné au service du journalisme musical n'y répondront pas.

Tout cela doit avoir une fin. Celle-ci nous est offerte comme une trêve avec One World, surtout après le tsunami précité. Entaché d'effets de voix inutiles, on s'accroche néanmoins à cette jolie conclusion où la guitare et le piano tentent de nous apaiser, duo qui aurait suffi à nous faire quitter cet album en paix, mais qui, comme à l'accoutumée avec Chris Martin, se voit coiffé d'un final aux violons très pompeux, comme si notre ami ne pouvait faire autrement que d'enrober de guimauve toutes ses productions. Oui, vous ne rêvez pas, vous entendez un petit chant d'oiseau à la fin, et une autre salve de « lalalala » semblant provenir de la douche de l'intéressé.

Il est 5h00, Paris s'éveille. Elle a de la chance, après cette longue nuit à tenter de percer le mystère de cet album. C'est dorénavant une nouvelle journée de travail qui commence et cette chronique nous a épuisé tel un marathon pour tous olympique. Plus réussi que les albums précédents mais décidément trop ancré dans la démesure que manie à la perfection Chris Martin depuis un long moment, Moon Music continuera d'enchanter les innombrables fans de Coldplay et aura probablement le mérite de rappeler aux adeptes des toutes premières heures, largués depuis longtemps, que l'anglais sait dans ses moments d'égarement renouer avec sa plume des premiers jours. Un tel effort sur la totalité d'un album est-il à nouveau possible ? Nous pouvons malheureusement en douter à la vue du personnage qu'est devenu Chris Martin (un certain déguisement d'alien dans les rues de Las Vegas qui traine de-ci de-là sur les réseaux sociaux vous le démontrera) et de son isolement physique loin de ses trois camarades de jeu, ces derniers lui demeurant pourtant fidèles depuis un quart de siècle maintenant.
tracklisting
    01. Moon Music
  • 02. feelsimfallinginlove
  • 03. We Pray (feat. Little Simz, Burna Boy, Elyanna & TINI)
  • 04. Jupiter
  • 05. Good Feeling (feat. Ayra Starr)
  • 06. Rainbow
  • 07. iAAM
  • 08. Aeterna
  • 09. All My Love
  • 10. One World
titres conseillés
    Moon Music, Jupiter, All My Love
notes des lecteurs
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