Matt Elliott

Vingt ans après son emblématique album Drinking Songs, Matt Elliott le revisite aujourd'hui dans une version live en studio réalisée en trio. Le Britannique a enregistré le disque à la salle de l'Autre Canal à Nancy, ville où il réside désormais, avec des musiciennes qui l'accompagnent régulièrement sur scène : Anne-Elisabeth de Cologne à la contrebasse et Barbara Dang au piano.

Si Drinking Songs était un album de dark folk, Matt Elliott, dans la relecture de celui-ci, y apporte d'autres apports qui ont constamment nourri sa musique : la musique d'Europe de l'Est, notamment le folklore yiddish et le jazz. D'ailleurs dans cette nouvelle version ce sont presque ces musiques qui sont plus présentes que la folk pure. Mis à part le splendide A Waste Of Blood et le très beau What The Fuck Am I Doing On This Battlefield, on trouve en effet peu de folk classique dans cet album. Le mélange musique yiddish/jazz fonctionne à merveille sur CF Bundy/Trying To Explain, splendeur de dix-sept minutes qui ouvre l'écoute.

A l'heure où la musique s'écoute principalement en format court il est encore des musiciens comme Matt Elliott qui osent ouvrir un album avec un titre de dix-sept minutes. Et c'est loin d'être le seul morceau du disque de cette longueur puisque trois autres atteignent la même durée. On est donc bien sûr bien plus proche du jazz que de la pop ici et inutile de dire que la musique de l'anglais est exigeante. Elle l'est, mais celui qui se donnera la peine d'entrer dans ce disque complexe n'en retirera que du bonheur. Parfois difficile à apprivoiser (comme sur le titre d'ouverture par exemple) la musique n'en est pas moins de toute beauté.

Loin de toute mode et de désir de plaire la production du musicien est savante sans être prétentieuse. Si elle tire de plus en plus vers le jazz c'est parce que Matt Elliott s'est mis depuis plusieurs années au saxophone, instrument qui imprègne quasiment toutes les plages de cet album. Si le disque est principalement orienté musiques d'Europe de l'Est et jazz, il n'est cependant pas que cela : folk avec A Waste Of Blood comme on l'a vu mais aussi un mélange détonnant jungle/free jazz sur l'extraordinaire et hypnotique The Maid We Messed qui clôt une oeuvre d'une richesse incroyable.

Un disque d'une telle inventivité qu'il convient de l'écouter des centaines de fois avant d'en saisir tout le sens.