logo SOV

Thank

I Have A Physical Body That Can Be Harmed

Thank - I Have A Physical Body That Can Be Harmed
Chronique Album
Date de sortie : 08.11.2024
Label : Big Scary Monsters
4
Rédigé par Adonis Didier, le 11 novembre 2024
Bookmark and Share
Mais que se passe-t-il donc à Leeds depuis ce foutu confinement ? Une ville dont on ne retenait jusqu'alors que Kaiser Chiefs et Soft Cell, et pour les plus érudits (ou vieux, c'est selon) alt-J, The Wedding Present, Gang Of Four ou The Sisters of Mercy, mais une ville qui semble aujourd'hui prise d'un boum musical inattendu, depuis ces quelques mois passés à rester enfermé dans son appartement à vivre dans la peur d'attraper les microbes des autres. Car oui, depuis, ce sont Yard Act, English Teacher, Treeboy & Arc, Van Houten, Fuzz Lightyear, sans compter le studio du producteur Alex Greaves, un nom qui monte et qui monte à l'écoute des albums de bdrmm, Gurriers, HONESTY ou des précédemment cités Yard Act et Van Houten, qui se font entendre. Et quid des années 2010 ? Pas grand-chose, si ce n'est I Lile Trains, un outil surprise qui nous servira plus tard, et comme plus tard c'est déjà maintenant, venez avec moi découvrir le dernier groupe de post-musique trop slay sorti de la « belle » ville de Leeds : Thank.

Thank, comme verser dans un saladier du IDLES et du I Like Trains, ajouter de la farine et du cidre anglais, mettre quatre secondes au four à trois mille degrés, et ding-ding, voilà un mi-cuit de post-rock-punk brûlé sur les bords, coulant et bouilli à cœur, expérience culinaire agressive et inoubliable digne de ce nord de l'Angleterre plus reconnu pour sa musique que sa gastronomie. Un gâteau à la bière livré sous la forme d'un troisième album, I Have A Physical Body That Can Be Harmed, leur premier chez Big Scary Monsters, qui débute par la longue montée électronico-punk Control. Une mise en jambes obligatoire dans la bizarrerie inclue en supplément de la pochette surréaliste dite de « l'ange-ananas tenant un poisson », tableau fantasmagorique voyant Mars attaquer le marché de Rungis sur un tableau de Salvador Dali.

Une introduction révélant déjà la nature profondément politique et satirique d'un disque ne pouvant concevoir la musique autrement que comme une action militante, instillant dans chaque parole et chaque note sa vision de l'Angleterre post-Brexit, donnant à penser que Thank ne font pas du punk parce qu'ils aiment ça, mais parce que les temps modernes l'exigent. Ainsi, Woke Frasier déclame sur une instru techno cisaillée de guitares, à la manière de Dave Martin, que tout le monde est devenu woke, qu'on ne peut plus rien dire, et que c'était mieux avant avec ce bon vieux Coluche, putain de camion ! Un discours classique de la sphère droite/extrême-droite actuellement au pouvoir dans un nombre de pays bien trop important comprenant la France, et dont personne n'a plus rien foutre (Do It Badly). Une manif' punk sautillant comme un champ de mines au rythme de la répression policière, enchaînée par les sept minutes oppressantes, lourdes, et bordéliques de The Spores, des spores de haine qui se dispersent dans le monde entier à mesure que des mecs comme Donald Trump se font élire, une chanson commencée en garde-à-vue et terminée en pleine bavure, tabassée par la maréchaussée dans une cellule de béton moisi.

Alors, pour se venger, Down With The Sickness ressort les grooves saturés et les discours à une foule en délire, les débuts d'une guérilla funky qui prendra place sur Barely et se terminera dans le bruit et la fureur de Smiling Politely. « J'ai un corps physique qui peut être blessé, et j'aurai ma vengeance. », une assertion vérifiée par Dead Dog In A Ditch qui balance deux minutes d'un peuple punk qui porte des rangers cloutées comme les Lambrini Girls, avant de laisser le rouleau-compresseur noise-punk mettre un terme aux débats en deux temps : Perhaps Today dans une certaine idée du groove, suivie par l'entreprise spécialisée en éboulements Writing Out A List Of All The Names Of God.

La basse crasse de Cameron Moitt, les roulements des fûts de Steve Myles, les coups de cutter sur la guitare de Lewis Millward, les râles hurlés de Freddy Vinehill-Cliffe, tout cela figure un pamphlet de dix commandements intitulé I Have A Physical Body That Can Be Harmed, un manifeste en trente-cinq minutes contre la montée des extrêmes, contre le Brexit, contre les jeunes et les vieux réacs, contre les conspirationnistes sur Facebook, et contre tous ceux qui participent à maintenir cette société inégalitaire et de plus en plus autoritaire dans laquelle on vit. Alors on dit merci qui ? Merci Thank, et rendez-vous en manif' avec le poing levé et dans la voix ce slogan : rétablir Thank, rétablir Thank, rétablir Thank !
tracklisting
    01. Control
  • 02. Woke Frasier
  • 03. Do It Badly
  • 04. The Spores
  • 05. Down With The Sickness
  • 06. Barely
  • 07. Smiling Politely
  • 08. Dead Dog In A Ditch
  • 09. Perhaps Today
  • 10. Writing Out A List Of All The Names Of God
titres conseillés
    Do It Badly, Barely, The Spores
notes des lecteurs