Chronique Album
Date de sortie : 15.11.2024
Label : Daemon T.V
Rédigé par
Adonis Didier, le 13 novembre 2024
Vivre la grande vie, bouger à Hollywood, sortir avec une rockstar, réaliser des vidéo clips, enregistrer des albums, faire du rock du désert alors qu'on vient de Newcastle, et finir désabusé par la vie, addict au crack, à la fausse fourrure, et au gel dans les cheveux. Des informations partiellement vraies concernant la vie de Beth Jeans Houghton, plus connu sous le pseudonyme de Du Blonde, alter ego californien à l'histoire de Spice Girls en descente de fame de la musicienne du comté de Tyne.
Beth Jeans Houghton, un début de carrière en tant que Beth Jeans Houghton And The Hooves Of Destiny, pour devenir ensuite Du Blonde sur deux premiers albums d'un rock que l'on dirait sorti d'Australie, deux disques suivis d'un troisième nommé Homecoming, le premier entièrement produit et enregistré par l'artiste. Un album évoluant dans une direction pop grungy teintée des tendances glam emo du début des années 2000, les prémices d'une évolution qui prendra sa pleine mesure et son indépendance dans ce tout nouvel album Sniff More Gritty, encore une fois intégralement produit et enregistré par Du Blonde pour son propre label DAEMON T.V. Faire comme les autres, puis faire sa crise d'ado, et finir par comprendre qui on est, un chemin long de quatre albums qui semble arriver à sa conclusion : l'acceptation de son être, le travail sur soi-même, et la capacité à s'entourer des bonnes personnes en limitant les dégâts accidentels que l'on peut leur causer.
Sniff More Gritty signe ainsi l'acceptation complète de Du Blonde par Beth Jeans Houghton, comme la fin d'une schizophrénie artistique qui ne demandait qu'à se métamorphoser en un papillon de fausse fourrure aux lèvres outrageusement maquillées. Du Blonde et Beth, une seule et même personnalité non-binaire, queer/trans, atteinte de TDAH (ndlr : trouble de l'attention), producteur, ingénieur du son, guitariste et chanteur dans un groupe de rock, qui n'a jamais semblé aussi bien que sur cette pochette tirant le portrait de l'enfant caché de Joey Starr et Britney Spears procréé dans une Benz Benz Benz. Et un quatrième album qui débute en acceptant que personne n'est Perfect mais que ça vaut toujours le coup de travailler sur soi-même, des voix dans tous les sens, une guitare crunchy jouée dans une chambre pleine de posters sur les murs, et pas grave non plus d'aimer passer du temps seul, car on est juste des Solitary Indivual chantent Du Blonde et Laura Jane Grace, chanteur lui aussi trans des ricains d'Against Me!.
Du featuring et du fun, et c'est Skin de Skunk Anansie que l'on retrouve sur Next Big Thing, dénonciation des tendances des producteurs et des pontes artistiques à profiter sexuellement ou non des jeunes avec des rêves plein la tête. Derniers invités du jour, Paul Smith (Maximo Park) et Ross Millard (The Futureheads) tiennent les graves de Radio Jesus pendant qu'un ado traîne trop dans sa chambre à écouter la radio, regarder Praud et Hanouna à la télé, et ingérer en boucle des bails religieux et conspirationnistes douteux. Comme quoi, juger un disque à sa couverture est souvent une mauvaise idée, un album de Du Blonde est loin de n'être qu'une compilation de chansons aux airs de Weezer emo-grunge, quand Blame en remet une couche sur la thématique du viol, et que l'impressionnante TV Star en envoie plein la gueule à ce soi-disant pote qui a grave pris la grosse tête depuis qu'il passe sur le petit écran.
Si ce que vous voulez ce sont des chansons adolescentes qui parlent d'amour, pas de problème, il y en a aussi ici, dans un large choix allant de la ballade au piano Out Of A Million, en passant par la pop grunge Lucky jusqu'à la très belle conclusion Metal Detector. « Je suis un détecteur de métaux, et bébé tu es une pièce dans un champ ». Quoi que ça veuille dire, on ne pourra en tout cas pas reprocher à Du Blonde de se cacher tout du long des douze titres de Sniff More Gritty, un quatrième album qui résonne enfin comme la vraie nature de l'artiste, un passage à l'âge adulte coïncidant avec une musique plus adolescente et engagée, une musique qui fait du bien à tous ceux qui se sentent différents, tous ceux qui pensent qu'ils ne trouveront jamais leur place, quand pourtant, parfois, ça finit par arriver. Comme quoi, devenir adulte n'est pas forcément synonyme de cols roulés et de chaussures à bout pointu, cela veut simplement dire qu'on a trouvé un endroit, un entourage, et une manière d'être dans laquelle on se sent bien. Et si ça veut dire finir tous les soirs au Supersonic à Paris en Vans avec un sweat à capuche sur la tête alors qu'on a bientôt trente ans, croyez-moi, vous avez réussi votre vie !