Vous continuez d'être nostalgiques de l'euphorie collective que nous avons connue cet été ? Les dernières nouvelles du monde vous amènent à deux doigts de l'overdose de camomille (très connue pour ses effets anesthésiants, surtout alliée à un disque de Léonard Cohen) ? Reprenez courage fidèles lecteurs, votre média préféré vous offre pour braver les premiers frimas de l'hiver et les premiers téléfilms de noël le cinquième album de Warmduscher, intitulé Too Cold To Hold. Un nom bien de saison et une allusion un peu salace (devinez donc dans quelle circonstance cette idée leur est venue), ce nouvel opus de la bande à Clams Baker Jr, fidèle au principe du « tout mais jamais n'importe quoi », va vous apporter toute l'énergie nécessaire pour finir cette année en beauté.
Comment ? Certains ici se demandent encore qui sont Warmduscher ? Certes, l'aspect protéiforme de ce groupe, à l'origine side-project de Saul Adamczewski et Lias Saoudi, est assez perturbant mais à l'heure du cinquième album studio, le line-up est bien consolidé et se compose de Clams Baker Jr, Benjamin Romans Hopcraft, Adam J. Harmer, Marley Mackey, Quinn Whalley et Bleu Ottis Wright.
C'est avec cette formule que le groupe connaît depuis Whale City en 2018 la reconnaissance qu'il mérite puis a enfoncé le clou de son univers déjanté et si hétéroclite avec Tainted Lunch en 2019 et le très disco compatible At The Hotspot en 2022. Une formule gagnante, la dernière preuve ayant été donnée en mars dernier à la Maroquinerie de Paris devant un parterre de fans dansant, suant et s'abreuvant d'une liqueur verte qui alors sponsorisait la soirée, rajoutant ainsi une couche de folie furieuse à l'atmosphère déjà bouillonnante que sait générer Warmduscher.
Qu'en était-il ensuite, surtout après avoir ouvert de façon assez surprenante pour Arcade Fire cet été en Angleterre ? La grosse tête ? Les querelles artistiques ? Les séparations douloureuses qui coûtent cher en avocats ? Que nenni, c'est plus soudé que jamais que le groupe livre Too Cold To Hold, album encore plus inspiré que ses prédécesseurs, garni de participations fameuses et surtout pour la première fois produit par les Anglais eux-mêmes, ou plus précisément par Benjamin Romans Hopcraft, accompagné de Jamie Neville, producteur londonien qui a notamment officié aux côtés de Kae Tempest.
Comme à l'accoutumée, impossible de qualifier de façon concise le « style » de cet album : se borner à un genre n'est pas dans les habitudes de Warmduscher. Ainsi, d'une piste à l'autre, nous passons de rhythmique afrobeat dans Fashion Week à guitares stoner avec Top Shelf, de beat rap de Cleopatras à électro disco (il faut tout de même garder la touche personnelle significative) sur Out Of Body, tout en n'oubliant pas leur groove si emblématique avec Pure At The Heart. Une ballade sans queue ni tête, ponctuée de collaborations de hautes volées : Liane La Havas en canon sur le spoken word de Clams dans Body Shock, COUCOU CHLOE, Jeshi et Janet Planet de Confidence Men, la liste est longue et le résultat mérite une mention très bien. Seule ligne conductrice d'avec le passé, l'introduction narrée par un invité d'honneur, ici l'écrivain écossais Irvine Welsh en plein expérience extra-sensorielle, là où Iggy Pop et Buck Angel s'étaient précédemment prêtés à l'exercice.
Abreuvés de toutes ces influences, prônant une musique sans aucunes barrières, Warmduscher continuent d'apporter toute leur verve, malicieuse, salée pour ne pas dire souvent lubrique, le fun et la décomplexion comme étendards tout en mettant en avant leur très grande érudition ainsi que leur maitrise des très nombreux instruments pratiqués. Warmduscher restent des ovnis, de ceux que l'on ne pourra jamais caser dans un tiroir tant leurs ressources semblent illimitées. Mais ce qui nous plait le plus dans cette fratrie complètement déglinguée c'est bien son insatiable faim de tout partager avec le public, les prestations live réussissant à dépasser toutes nos attentes à chaque fournée d'album.
Too Cod To Hold réussit encore à catapulter Warmduscher au-delà de toutes les frontières du réel, ce cinquième album proposant un incroyable melting pot d'énergie toute aussi pure que décadente, avec un gros penchant pour le décadent s'agissant de Warmduscher, bien évidement.