Chronique Album
Date de sortie : 13.12.2024
Label : Heavenly Recordings
Rédigé par
Emmanuel Stranadica, le 9 décembre 2024
Après l'exploration sonore immersive de I've Been Trying to Tell You en 2021, Saint Etienne reviennent avec un douzième album, The Night. Si ce nouvel opus poursuit le chemin tracé par son prédécesseur, il marque un retour à un œuvre plus organique et méditative. Le trio Britannique nous offre cette fois une œuvre intimiste, un véritable voyage entre l'éveil et le sommeil, où les frontières du temps et de l'espace se dissipent dans une atmosphère presque onirique.
The Night trouve son essence dans cette zone floue entre le rêve et la réalité, où les pensées s'entrelacent et se dissolvent, un entre-deux où l'imaginaire et la réalité se confondent. Pour ce disque, Bob Stanley, Pete Wiggs et Sarah Cracknell se sont retrouvés en studio pour la première fois depuis la pandémie. Ce moment suspendu, fait de simplicité et de complicité retrouvée, est au cœur de l'album. La magie réside dans cette immersion dans une mosaïque sonore hypnotique : bribes de dialogues, fragments de souvenirs ou encore sons enregistrés. Chaque élément semble flirter avec l'invisible, tout en créant un ensemble cohérent qui nous berce. La voix de Sarah Cracknell, devient un guide dans ce voyage. Elle nous berce à travers les paysages sonores qu'elle traverse. Dans Half Light, elle nous mène au cœur d'une rare délicatesse. Ce premier extrait du disque lors de l'annonce de la sortie de l'album incarne à merveille cette rêverie nostalgique, ce saut dans le passé, où le groupe flirtait plus ouvertement avec la pop, mais toujours avec un je-ne-sais-quoi d'original. L'écoute de When You Were Young ne peut d'ailleurs que rappeler Over The Border, présente sur Words And Music paru il y a douze ans déjà, marquant cette même nostalgie du passé.
The Night se caractérise par une véritable atmosphère de calme avant l'aube, cette étrange suspension temporelle où le monde semble figé, attendant le jour. En l'absence de rythme, les mélodies souvent minimalistes se déploient ici comme des images, presque comme des tableaux sonores qui peignent la beauté d'une ville endormie, tout en créant une sensation de lenteur presque palpable. Le groupe réussit à recréer cette sensation de flotter dans le temps, à la manière d'une méditation musicale, où chaque note semble suspendue dans l'air. L'album nous offre la plupart du temps une écoute méditative avec des plages souvent courtes, même si l'une d'entre elles, Hear My heart, dépasse les six minutes.
Ce n'est pas un album que l'on consomme morceau par morceau, mais une œuvre à savourer dans son ensemble. Saint Etienne se positionnent ici à contre-courant de l'approche actuelle de la musique, où l'on peut se contenter de quelques extraits ou d'une écoute frénétique. À l'opposé, The Night demande du temps, de l'attention, une plongée dans un univers singulier et inclassable.
Saint Etienne signent un disque de nostalgie parfaite, entre rêve et réalité. Ambiant, planant, et même hypnotisant, cet album s'avère très différent de ce que le groupe a déjà sorti en presque trente-cinq ans de carrière. The Night s'apparente à une invitation à se perdre, à dériver, à se laisser porter par la musique des Londoniens. À son écoute, il est difficile d'être pressé que le jour se lève. Saint Etienne nous rappellent ainsi que, parfois, il faut savoir s'arrêter, se laisser emporter et, surtout, prendre le temps de rêver.