Chronique Album
Date de sortie : 31.01.2025
Label : Full Time Hobby
Rédigé par
Franck Narquin, le 30 janvier 2025
James Canty, artiste multidisciplinaire originaire de l'est de Londres, sort sur le label Full Time Hobby (Tunng, Timber Timbre) sa première mixtape intitulée Dim Binge. Musicien aussi érudit qu'esthète, Canty mélange l'ancien et le nouveau, le sacré et le profane, le tendre et l'explicite. Afin de présenter sa musique et sa démarche, rien de mieux que de citer quelques noms tirés de sa playlist d'influences. On y trouve pêle-mêle Mammane Sani, pionnier de la musique électronique du Niger, Dorothy Hashby, grande harpiste de jazz des années 50, l'éternelle Billie Holiday, le laborantin de Warp Bibio, le meilleur groupe de tous le temps, The Velvet Underground, ainsi que Joanne Robertson, compère de Dean Blunt. Nous souhaitons donc la bienvenue au pays de Canty à ceux qui rêvent et s'imaginent tous les soirs en s'endormant, qu'un petit prince des platines vient leur parler doucement.
Dim Binge, qu'on pourrait traduire par une orgie de presque rien, invite l'auditeur à pénétrer dans le monde intérieur de Canty, aussi doux et accueillant que torturé et singulier. Le titre d'ouverture Mirrorball évoque sa sclérose en plaques récemment diagnostiquée et tente de retranscrire ce sentiment intérieur mêlant traumatisme, surcharge sensorielle et réflexe de survie. Débutant en douceur, le morceau est porté par un crescendo euphorique et délivre un message d'espoir et de combat car malgré tout, la vie continue. St Marks creuse le même sillon en traitant des inévitables crises de vie. Plus sombre que son prédécesseur, la chanson éblouit néanmoins avec sa soul classieuse agrémentée de cordes élégantes ainsi que de rythmiques et sonorités électroniques. Ainsi la couleur du disque demeurera irrémédiablement douce-amère mais jamais fade ou monotone.
On tangue au son de la pop ouatée de Follower et du trip-hop engourdi de blah blah blah avant de renouer avec une pop-folk digne des œuvres de jeunesse de Ben Harper sur Pipps Hill, hahaha et Estuary Pig tandis que les sublimes Being It et Mercy St. (live) s'imposent comme de véritables cantiques profanes magnifiés par une production poussant à fond le curseur de la réverbération. Ultime morceau, Zino fait office d'émouvant générique de fin avec ses chœurs soul et ses samples de voix saturées.
Canty déclare que « cet album a été un processus d'apprentissage – ce qui fonctionne pour moi, ce que j'aime. Une façon de s'assurer que la musique n'est pas le problème mais la solution ». Cette affirmation trouve un écho dans celle de John Glacier pour qui « la musique est un processus, pas un produit » confirmant que peut importe son genre, son support ou son format, la musique, quand elle est produite avec autant de sincérité et d'authenticité, est toujours la meilleure des réponses.