logo SOV

Manic Street Preachers

Critical Thinking

Manic Street Preachers - Critical Thinking
Chronique Album
Date de sortie : 14.02.2025
Label : Columbia Records
3
Rédigé par Laetitia Mavrel, le 10 février 2025
Bookmark and Share
Les Manic Street Preachers, toujours absents de nos radars depuis 2018 où on ne les aperçut que furtivement aux Interceltiques de Lorient, et la France mènent une relation longue distance. Les fans tirent toujours la langue et doivent faire fonctionner leur passeport pour apprécier les performances de James Dean Bradfield, Nicky Wire et Sean Moore. Preuve en est, votre chroniqueuse au baluchon devenu iconique qui s'est donnée comme mission de vous rendre compte de la forme toujours au top de ce groupe qui continue de mettre le feu sur les scènes qu'il foule, en dehors de nos frontières.

L'arrivée d'un nouvel album du trio gallois est une autre paire de manches. Reconnaissons que, depuis une quinzaine d'années, l'atmosphère des disques s'est très largement aseptisée. Nous avons depuis Postcards From A Young Man pris le pli de compositions plus sages, aux angles arrondis qui reflètent également l'évolution personnelle de nos trois musiciens. Nous avions laissé les Manic Street Preachers en 2021 avec The Ultra Vivid Lament, album qui nous avait fait voyager jusqu'aux vastes étendues neigeuses du Japon, au son d'une musique dominée par des claviers très bucoliques. Comme à l'accoutumée, quelques titres plus accentués où l'exceptionnel jeu de guitare de James s'y exprimaient plus largement, certes toujours trop peu à notre goût.


Deux rééditions anniversaire plus tard (Know Your Ennemy et le trop mésestimé Lifeblood) qu'en est-il en 2025 avec Critical Thinking ? Un titre qui définit un groupe qui a usé de son sens critique par rapport à sa condition actuelle. C'est ce qu'avance Nicky Wire dans les interviews où l'homme au regard bleu acier toujours fardé nous annonce qu'à cinquante-six ans bien tassés, c'est l'heure des bilans. Il en résulte un quinzième album beaucoup plus intime et l'occasion pour le bassiste de proposer trois titres entièrement composés par ses soins. Avec l'ombre toujours bienveillante de Richey Edwards au-dessus de son épaule, la tonalité se veut pourtant en montagnes russes, passant de morceaux assez accrocheurs à d'autres plus quelconques.

Et pourtant, la formule est la même depuis que le groupe est trio : la voix sexy et la guitare puissante de Bradfield, accompagné de Sean Moore à la composition musicale et des textes de Nicky Wire. On entame le disque avec une excellente surprise : Critical Thinking est dépouillée, abrasive, le chant déclamé de Nicky Wire y est une charge contre une société aliénée, dont le sens critique semble avoir été jeté aux ordures. Serait-ce donc reparti comme en 94 ? Malheureusement, cette fulgurance restera unique dans le tracklisting. Nous retombons immédiatement avec Decline And Fall dans le cadre très bordé des morceaux de pop rock où la guitare de Bradfield se retrouve noyée dans une production bulldozer. Mais impossible n'est pas gallois, et certains morceaux réussissent à saisir un peu de l'essence des débuts. On appréciera les variations de People Ruin Paintings, Brushstrokes Of Reunion, non dénuée de caractère, et l'efficace légèreté de Dear Stephen. Précisons ici que cette chanson a été inspiré à Nicky Wire par une carte postale que lui a adressée Morrissey dans les années 80 alors qu'il était un grand fan des Smiths. On apprécie le petit côté malicieux avec ce clin d'œil à peine voilé au Moz d'aujourd'hui : « Please come back to us, I believe in repentance and forgiveness, it's so easy to hate, it takes guts to be kind ».


On aime retrouver Nicky Wire au chant : en plus de Critical Thinking, Hiding In Plain Sight accompagné de Lana McDonagh est le duo féminin / masculin que l'on retrouve depuis 2007 dans tous les albums et One Man Militia, le titre de clôture qui nous rappelle les nombreuses démos que l'on trouve dans les éditions limitées, plus brut de décoffrage, nous faisant conclure que les musiciens gagneraient véritablement à renouer avec plus de simplicité. La barrière de la langue pouvant être un obstacle pour capter le sens de leurs paroles éclairantes sur notre société, une certaine impression de déjà-vu domine l'écoute de la seconde partie du disque, sentiment frustrant lorsque que l'on connait l'inventivité dont sait faire preuve Bradfield, comme lors de son album hommage à Victor Jara, Even In Exile, paru en 2020.

Critical Thinking est un disque inspiré mais qui peine encore à faire sortir les Manic Street Preachers de la zone de confort dans laquelle ils se réfugient depuis plus de dix ans maintenant. C'est plutôt dans le live que cette incroyable formation trouve toute sa force aujourd'hui. Voilà pourquoi nous continuerons à voyager pour rester le témoin de la parfaite alchimie entre les Manic Street Preachers et leur public. En espérant qu'ils se décident de nouveau à honorer leurs fans français injustement privés de leur présence depuis trop longtemps, si vous nous permettez de faire usage à notre tour d'esprit critique.
tracklisting
    01. Critical Thinking
  • 02. Decline And Fall
  • 03. Brushstrokes Of Reunion
  • 04. Hiding Plain Sight
  • 05. People Ruin Paintings
  • 06. Dear Stephen
  • 07. Being Baptised
  • 08. My Brave Friend
  • 09. Out Of Time Revival
  • 10. Deleted Scenes
  • 11. Late Day Peaks
  • 12. One Man Militia
titres conseillés
    Critical Thinking, Brushstrokes Of Reunion, Dear Stephen
notes des lecteurs
Du même artiste