Il arrive parfois, dans une vie de chroniqueur, que l'on tombe en arrêt devant un album qui nous touche particulièrement. On se retrouve alors face à un défi : comment transmettre cette ferveur, comment convaincre que l'on est face à un excellent disque qui risque de passer inaperçu ? Comment inciter des lecteurs, bombardés par l'Entertainment permanent (Everything Now, comme le chantaient si justement Arcade Fire), à s'arrêter quelques instants pour s’immerger dans ces précieuses pépites ?
C'est exactement le cas avec From A Distant Place, deuxième opus magistral des trop méconnus Cut Glass Kings. Apparu sur la scène indie rock britannique en 2017, le duo avait déjà séduit James Skelly, frontman de The Coral, qui les avait aussitôt signés sur son label Skeleton Key Records après quelques singles prometteurs. Leur premier album déployait un blues rock efficace et mordant, le single Shadow Of Your Love dépassant même les 4 millions d'écoutes sur une célèbre plateforme scandinave.
Six ans plus tard, Paul Cross (guitare/chant) et Greg McMurray (batterie) reviennent en force. Dans leur sous-sol métamorphosé en studio bricolé autour d'un mythique Tascam 388 à bandes, ils ont façonné onze titres renversants, mixés par James Skelly. Le duo transcende ses racines rock pour explorer des territoires plus pop et subtilement psychédéliques, créant un album qui ravira les amateurs d’indie rock inventif et mélodique.
Big Dreams ouvre les hostilités avec une classe folle et voit les choses en grand. Le morceau sonne comme du Fontaines D.C. grand cru joué par Supergrass. « I've got big dreams in my head » proclame Paul Cross qui nous embarque avec lui dans son voyage euphorique. La suite tient toutes ses promesses : la punchy At The Borderline frappe fort, Gift Horse hypnotise avec sa basse psychédélique et sa leslie entêtantes. Flying Saucer, ballade entre T.Rex et John Lennon, brille de mille feux, tandis que l’acide Fever Dream convoque l’esprit d’un Syd Barrett stoner.
Si les influences sont manifestes, elles sont parfaitement assimilées dans une identité sonore unique. La production ciselée et les arrangements subtils révèlent de nouvelles nuances à chaque écoute. L'album ne faiblit pas, enchaînant les perles : du boogie glam de Thick As Thieves à la Coralienne Only The Fire, en passant par l'instrumental sixties The Crossing ou l'accrocheuse Streetlight que pourrait chanter Liam Gallagher.
Les mélodies de Cut Glass Kings se logent dans le cerveau pour ne plus en ressortir. Ces 11 titres forment une collection hautement addictive qui s'impose comme l'une des sorties indie pop les plus excitantes de ce début d'année. Un tour de force qu'il serait criminel d'ignorer.