Chronique Album
Date de sortie : 28.03.2025
Label : Island Records
Rédigé par
Jordan Meynard, le 24 mars 2025
Mumford & Sons ont toujours porté une vision romantique du folk contemporain, un équilibre subtil entre mélodies accrocheuses et refrains fédérateurs, capables de rassembler un large public dès leur premier album, Sigh No More (2009). Mené par l'excellente voix passionnée de Marcus Mumford, ce disque, salué par la critique, a marqué toute une génération dans une époque envahie par une électro-pop aseptisée, porté par des morceaux devenus cultes comme The Cave ou Little Lion Man.
Babel (2012) a poursuivi cette dynamique, mais en poussant tous les curseurs à fond : plus de banjo, plus de chœurs, plus de crescendos... Une surenchère d'exubérance folk où le pathos suintait de chaque mesure. Le virage Wilder Mind (2015) aurait pu être une émancipation, mais s'avéra un exil : en troquant le banjo pour les guitares électriques, Mumford & Sons n'embrassaient pas un nouvel horizon, ils se dissolvaient dans la masse. Delta (2018), lui, achevait la mutation en grand barnum sonore, s'égarant vers des sonorités atmosphériques et électroniques. Un album aussi ambitieux qu'ennuyeux, laissant de nombreux fans sur le carreau. Mumford & Sons semblaient alors être en pleine crise d'identité, abandonnant presque toutes les marques de fabrique qui faisaient leur singularité et risquant de devenir un groupe de rock alternatif parmi tant d'autres. Après une longue période de silence, marquée par le départ de Winston Marshall et la sortie du premier album solo de Marcus Mumford, le groupe avait tenté un retour timide en 2024 avec Good People, un single collaboratif avec Pharrell Williams. Est-ce que ces expériences ont nourri la créativité collective du trio ? Réponse tout de suite.
Avec RUSHMERE (2025), Mumford & Sons semblent opérer un retour aux sources assumé. Le titre même de l'album évoque un lieu clé de leur histoire, un étang situé sur Wimbledon Common (dans le sud-ouest de Londres), là où tout a commencé. Co-produit par Dave Cobb, figure incontournable du folk et de l'americana (Brandi Carlile, Chris Stapleton, Slash), cet album s'appuie sur des éléments familiers : guitares acoustiques délicates, banjo en arpèges, voix entrelacées dans des harmonies pleines d'émotion. Un symbole fort pour un disque qui retrouve l'acoustique chaleureuse et les harmonies vocales qui avaient fait le succès du groupe. Des morceaux comme Malibu – qui semble tout droit sorti de la bande-son de This Is Us – ou Paris rappellent immédiatement les premières heures du groupe, avec cette patine nostalgique et cette énergie mesurée qui rassureront les fans de la première heure.
Mais derrière cette illusion de spontanéité se cache une mécanique trop bien huilée : intro feutrée, montée en intensité, explosion cathartique... le tout décliné ad nauseam. Si cette recette paraissait inspirée en 2009, elle sonne aujourd'hui comme un procédé éprouvé, digéré et recraché. Ce schéma, qui fonctionnait à l'époque où le folk était en plein essor, peine désormais à provoquer la moindre surprise. Monochrome, qui porte bien son nom, illustre à merveille cette lassitude : dès les premières notes, tout indique qu'il ne se passera rien d'inattendu.
Pourtant, difficile de reprocher à RUSHMERE d'être un mauvais album. Il est léché, efficace, bien produit. Un disque largement au-dessus du lot de ce qui inonde aujourd'hui les plateformes de streaming. Mais c'est justement là que le bât blesse : Mumford & Sons n'est pas un groupe lambda, c'est une formation qui, à son apogée, savait captiver, voire bouleverser. Et ici, tout est trop sage, trop sous contrôle, comme si le groupe, après s'être brûlé les ailes dans ses expérimentations passées, avait préféré revenir à la case départ, mais sans la flamme qui l'animait autrefois. RUSHMERE n'est pas un faux pas, mais il sonne comme un aveu de fatigue. Un album qui fait le travail, sans jamais dépasser sa fonction. En voulant renouer avec son essence, le groupe semble s'être enfermé dans une nostalgie stérile, à tel point que ce retour aux sources ressemble davantage à un surplace. Marcus Mumford et ses compagnons savent composer des hymnes vibrants et fédérateurs, ils l'ont prouvé par le passé. Mais en 2025, jouer la même partition qu'en 2009 ne suffit plus.
On attend plus d'un groupe de ce calibre, parce qu'on sait qu'il est capable de bien mieux.