Chronique Album
Date de sortie : 25.04.2025
Label : Submarine Cat Records
Rédigé par
Adonis Didier, le 25 avril 2025
« Eh, ça te dit qu'on parte à Mexico boire des mojitos ? ». Le genre de phrase qui ne finit jamais bien, mais qui donne à raconter des histoires. « Eh, ça te dit on monte un groupe ? ». Un genre de phrase avec pas beaucoup plus de chances de succès, mais une phrase prononcée par Louise Macphail lors de sa première rencontre avec Kristin McFadden, et nous y voilà neuf ans plus tard, après un EP et quelques fantastiques singles éparpillés sur presque six années : le premier album de Prima Queen sort enfin, et il s'appelle The Prize.
Quand Louise rencontre Kristin, la girl de Bristol et la kid de Chicago finalement réunies à Londres, partenaires complices d'une histoire faite de rebondissements et d'amitié qui dure et qui dure, mais qui pour le monde ne fait que commencer. Et ça commence plutôt bien, car si la coupe n'est pas encore remplie d'or, elle est assurément pleine de pêche et de quelques abricots pour la forme, servie sur un plateau d'argent avec les compliments du chef Steph Marziano. Et un Mexico pour la table deux !
Sûrement la plus belle chanson de l'album, écrite et jouée depuis les débuts du groupe et retravaillée pour l'occasion, une histoire de plans sur la comète et d'amour et de mojitos, d'Enrico qui chante Mexico posé sur un abricot. Du pur Prima Queen dans le texte, simple, honnête, tendre et mélancolique, une fenêtre sur un cœur ouvert à la nostalgie et à l'apprentissage, enrobée de brillantes guitares et de l'étreinte passionnée des voix des deux reines du bal. « Tu es un diamant, tu es un rêve, tu es une pêche », The Prize se met en valeur sur une synth-pop mignonne mais moins convaincante, moins touchante et intimiste, à la manière d'Oats (Ain't Gonna Beg) et Fool, deux des autres singles de l'album qui, de part leur énergie volontairement disco, rock, et punchy, perdent dans la bataille la force principale du duo : l'émotion. On se retrouve avec du Wet Leg sans l'efficacité, du Dream Wife sans la puissance, du Regrettes sans la folie douce, et sans vouloir cantonner le groupe à un seul terrain, c'est bien la pop sophistiquée et intime qui leur sied le mieux au teint.
The Big Moon dans une chambre étudiante, que ce soit en version grungy et grandiose sur Ugly, ou sur les plus classiques mais tout aussi belles Meryl Streep et Woman and Child, un final grandiose, un feu d'artifices de voix et de guitares qui percent sans prévenir au beau milieu de la chanson, une expérience inattendue mais ravissante, tout comme Flying Ant Day, la ballade de plage piquée à Papooz, Spaceship le folk en dérive dans l'immensité du vide spatial, ou encore Sunshine Song, le genre de petite chanson toute bête qui sent bon les fleurs coupées et les rires d'enfants. Mais comme les Prima Queen sont aussi des drama queens, on n'allait pas se laisser sur une note aussi gaie et simplette, More Credit fait exploser son bouquet final de nostalgie mélancolique, de relations regrettées, et de choses qui auraient pu mieux se passer en une longue montée post-pop, aérienne et résignée, acceptant les erreurs passées pour se tourner vers l'avenir... mais quel avenir ?
Car là où les premiers singles et le premier EP avaient faits carton plein, où les Chew My Cheeks, Butter Knife et Back Row nous avaient impressionnés et emportés sans état d'âme, l'album semble avoir légèrement édulcoré la formule, les refrains pop et rock ne fonctionnent plus aussi bien, et les quelques tentatives en territoire inexploré peinent à démontrer le potentiel en réserve. Ainsi, là où c'était tout le temps excellent avant, The Prize ne fera pas mieux que bien, et si l'on compte que sa meilleure chanson Mexico est un titre écrit il y a maintenant des années, on peut raisonnablement se demander ce que le duo va bien pouvoir inventer pour la suite, pour ce fameux album de la confirmation.
Enfin, on pourrait se le demander si on était juste un gros rabat-joie de journaliste musical snob et aigri, mais de la même manière que l'on a décidé de simplement profiter de la vie, on va simplement profiter de ce premier album des Prima Queen comme il est, pour ce qu'il est, c'est-à-dire un joli tas de pêches versées dans une coupe dorée, servies sur un plateau d'argent et de guitares scintillantes, enrobées des voix et du très beau talent de Louise Macphail et Kristin McFadden. Un dessert de la vie qui ne se refuse pas, une sucrerie rafraîchissante de mélancolie amoureuse, remplie de belles et de moins belles histoires faites de femmes qui vivent et se battent chaque jour pour rappeler au monde qu'elles sont un diamant, un rêve, une pêche, qu'elles sont le grand prix de la vie et que personne ne les gagnera jamais au loto.