C'est dimanche. Et le dimanche, c'est le jour de la tarte aux pommes. Celle qui accompagne une grande majorité de nos déjeuners du week-end, complice de nos fins d'après-midi de farniente et dont la recette, malgré qu'elle reste toujours la même, continue de satisfaire nos palais de gourmands. On se plaint d'y avoir toujours recours, et pourtant, elle revient sans cesse dans notre assiette. Voyez-vous le rapport avec cette chronique ? Non, Sound Of Violence n'a pas muté en blog culinaire, mais va bien vous parler du dernier disque de Stereophonics intitulé Make 'em Laugh, Make 'em Cry, Make 'em Wait.
Et là, nous direz-vous, quel est le rapport avec le dessert de notre enfance et le treizième album des Gallois ? Le nouvel effort de la bande à Kelly Jones nous rappelle à quel point nous ne cessons de revenir au groupe que nous avons connu pour beaucoup d'entre nous il y a plus de vingt ans, qui s'est muté en bête de stades durant les années 2000 avec de véritables petits bijoux pop que l'on continue inlassablement de chantonner. Des hymnes entraînants, à l'authenticité confondante, portés par une formation issue d'un tout petit bled paumé du Pays de Galles qui s'est hissée seule au sommet des charts britanniques et mondiaux.
En 2025, Stereophonics perpétuent la tradition du songwriting raffiné, aux mélodies instantanément plaisantes mais, à nouveau, sans jamais véritablement marquer le coup. En à peine trente minutes et huit titres, Make 'em Laugh, Make 'em Cry, Make 'em Wait se crante dans la tonalité qu'aborde le groupe depuis maintenant une quinzaine d'année, soit une pop rock largement grand public, aux ingrédients de très bonne qualité mais tant entendus précédemment. Toujours au fait de son talent de compositeur, Kelly Jones teinte ce nouvel opus de ses réflexions personnelles, profondes et souvent amères sur son entourage, donc baignées dans un léger spleen offrant des chansons toujours très bien écrites mais « ronronnantes ».
L'entrée en matière qu'est Make It On Your Own plante le décor avec énormément de soin dans une production de haut niveau, où chaque instrument se voit magnifié, avec cette cadence entrainante et surtout, la voix toujours aussi jeune et fluide du Gallois. Le souci est que malgré énormément d'attention portée à ce titre et aux suivants, la lecture du disque peinera à rester gravée dans nos mémoires. Le single There's Always Gonna Be Something, nouveau futur hymne du groupe que les cohortes de fans reprendront en masse dans les arénas, remplit avec une telle facilité le cahier des charges que cela en devient désarmant. En voilà un dilemme de taille : un titre presque trop plaisant, qui ne nous pose absolument aucune difficulté, pourquoi se plaindre ? Tout simplement parce que Stereophonics ont su à de nombreuses reprises par le passé nous pondre des morceaux au caractère bien trempé, où l'on ressentait l'ardeur du compositeur, qu'il s'agisse d'un tube rock ou d'une ballade douce.
Il faut donc, comme à l'accoutumée dorénavant, fouiller un peu pour faire sortir du lot des chansons qui montrent quelques aspérités : Eyes Too Big For My Belly où les guitares se libèrent enfin du carcan mainstream, avec leurs riffs bien gras et bluesy, Backroom Boys et ses reflets country, petit péché mignon de Kelly Jones, un style qu'il a exploité avec sa formation parallèle Far From Saints et Colours Of October, avec ses nappes de violons à faire fondre les cœurs les plus durs. Le reste du disque offre un fan service réussi, et c'est cet automatisme qui continue de nous frustrer légèrement. Kelly Jones demeure un songwriter plus que talentueux, doté de surcroit d'un timbre de voix qui lui fera traverser toutes les décennies sans aucun problème. Voilà pourquoi après presque trente ans de carrière, nous attendons, peut-être avec exigence, plus de cette formation qui a franchie à la seule sueur de son front toutes les étapes de la célébrité.
Une tarte aux pommes, bien que commune, reste un classique. Comme avec de la cannelle, de la glace à la vanille ou, ultime délice, des morceaux de rhubarbe, elle sait déployer de nombreux charmes pour continuer à nous satisfaire. Stereophonics offrent ainsi avec Make 'em Laugh, Make 'em Cry, Make 'em Wait une nouvelle fournée de morceaux satisfaisants mais trop calibrés, qui auraient mérité de sortir du carcan pop rock FM pour se parer de nouveaux atours et se rendre véritablement désirables. Le retour du groupe à Paris ce 29 avril et à Rock en Seine cet été sera l'occasion de juger si ces titres réussissent à se bonifier au travers de l'épreuve du live, exercice où les Gallois excellent.
tracklisting
01. Make It On Your Own
02. There's Always Gonna Be Something
03. Seems Like You Don't Know Me
04. Colours Of October
05. Eyes Too Big For My Belly
06. Mary Is A Singer
07. Backroom Boys
08. Feeling Of Falling We Crave
titres conseillés
There’s Always Gonna Be Something, Eyes Too Big For My Belly, Colours Of October