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UNIVERSITY

McCartney, It'll Be OK

UNIVERSITY - McCartney, It'll Be OK
Chronique Album
Date de sortie : 20.06.2025
Label : Transgressive Records
4
Rédigé par Franck Narquin, le 17 juin 2025
Allez savoir pourquoi, mais avec UNIVERSITY, le coup de foudre a été immédiat. Un premier single dévastateur (Notre Dame Made Out Of Flesh), un concert au Supersonic à Paris aussi absurde que sonique, et surtout Eddie, leur mascotte cagoulée, dont l'unique rôle est de s'asseoir sur scène pour jouer à la console et se lever à chaque morceau pour annoncer son titre griffonné à la main. Oui, allez savoir pourquoi. Si on était dans un roman de gare, on dirait « parce que c'était lui, parce que c'était moi ». Pas faux, mais pas que. Derrière les blagues potaches, les brûlots joués trop vite et la bouillie sonore, on a perçu un potentiel hors norme, une singularité, bref un groupe en devenir. Un an et demi après cet instant crush, les anglais rallument la flamme avec McCartney, It'll Be OK, premier album qui s'impose comme une déflagration de rage, un cri adolescent, lucide, féroce, sans plan de carrière et sans cynisme. Un album né pour tromper l'ennui et qui pourrait bien tromper le monde.

Joel Smith (batterie), Zak Bowker (chant et guitare), Ewan Barton (basse) et Eddie (mascotte) viennent de Crewe, une ville-étape du nord-ouest de l'Angleterre, connue surtout pour sa gare et ses rêves qui s'y arrêtent. Le slogan local est « Crewe, Where Dreams Come To Die ». Tout est dit, Crewe c'est l'Angleterre white trash sans folklore et une jeunesse laissée pour compte, sans horizon. Là où certains fuient, eux sont restés et leur nom en porte la trace comme un pied-de-nez à leurs potes partis à la fac, une blague triste écrite en lettres capitales pour conjurer l'échec annoncé, UNIVERSITY. Leur premier EP, Title Track, posait déjà les bases, bruitisme radical, romantisme emo, autodérision et titres incandescents.

Avec McCartney, It'll Be OK, UNIVERSITY conservent leurs fondamentaux tout en poussant l'ambition artistique beaucoup plus loin et en élargissant le spectre des émotions et des tonalités. Leur musique explose en fragments plus amples et plus mélodiques. Massive Twenty One Pilots Tattoo ouvre l'album comme une farce désespérée mais contagieuse. Gorilla Panic tutoie le post-rock instrumental. GTA Online se déploie en ballade étrange et sincère et History of Iron Maiden (Part 1), fresque de dix minutes, fusionne tout ce que le groupe sait faire de mieux, brûler, ralentir et renaître. Leur musique est devenue plus lumineuse, mais pas plus lisse, plus ambitieuse, mais jamais prétentieuse car UNIVERSITY est un groupe qui fait crisser les pneus plutôt que vrombir le moteur. Ça frotte, ça grince, mais ça passe avec classe. Leur humour est cheap, mais jamais gratuit et derrière les titres absurdes, les intros façon messagerie de potes bourrés, les déluges de saturation et les ritournelles bontempi, se cachent de vrais grands morceaux, faits pour durer.

Ils ont signé chez Transgressive Records (Foals, Arlo Parks), l'album a été enregistré en live au Studio 13 de Damon Albarn et produit par Kwes Darko (slowthai, John Glacier). Si tout cela paraît improbable sur le papier, cela s'avère imparable à l'oreille. Kwes Darko, maître du chaos contrôlé, apporte une précision chirurgicale au tumulte d'UNIVERSITY où chaque cri est audible et chaque rupture lisible. On pense à Black Country, New Road pour l'ambition formelle, à caroline pour la spatialisation sonore, à black midi pour la fureur mathématique, à Famous pour le romantisme débraillé ou à Black Flag pour la violence frontale, mais UNIVERSITY ne surjouent rien et ne singent personne. Aucun second degré arty ici mais un premier degré sincère dont on aurait gommé les stigmates DIY trop évidents et canalisé l'énergie débordante. Et s'ils frappent si fort et si juste c'est parce que rien n'est feint. Tout est brut, vécu, balancé sans filtre comme un cri de la jeunesse déclassée. Pas de révolte consciente ici juste une rage sans cause, un coming of age en bonne et due forme, sonnant et trébuchant.

Bien sûr, les mélomanes délicats trouveront cela trop bourrin et trop juvénile. Bien sûr, les puristes hardcore crieront à la trahison punk, à l'objet trop léché, passé à la paille de fer dans un studio branché avec un producteur en vogue. Bien sûr, les gens normaux diront que s'infliger ainsi quarante minutes de bruit relève du masochisme pur et simple. Et bien sûr, un chroniqueur lucide rappellerait que UNIVERSITY ne révolutionnent pas le genre, qu'ils recyclent cinquante ans de musique pour jeunes gens énervés, de Black Sabbath à test plan. Et on ne leur donnera pas tort. Mais c'est précisément pour se prendre ce genre de baffes qu'on continue d'écouter du rock en 2025. Parce qu'à seize ans, on n'aurait pas écrit tout ça. À seize ans, on aurait juste dit UNIVERSITY, c'est une grosse tuerie.

McCartney, It'll Be OK documente l'échec, la confusion, la colère, avec une drôlerie touchante et une intensité rare. C'est une traversée sans gilet de sauvetage autant qu'un saut dans le vide avec un mégaphone. C'est un uppercut dans les côtes suivi d'un baiser sur la joue. Et si vous ne comprenez pas tout, c'est normal, car nous non plus, mais c'est précisément pour ça qu'on est tombé amoureux.
tracklisting
    01. Massive Twenty One Pilots Tattoo
  • 02. Curwen
  • 03. Gorilla Panic
  • 04. Hustlers Metamorphosis
  • 05. GTA Online
  • 06. Diamond Song
  • 07. History of Iron Maiden (Part 1)
  • 08. History of Iron Maiden (Part 0.5)
titres conseillés
    Massive Twenty One Pilots Tattoo - GTA Online - History Of Iron Maiden (Part 1)
notes des lecteurs