Nous voici de retour dans le domaine national de Saint-Cloud à l'occasion de la troisième et dernière journée de l'édition 2014 du festival Rock en Seine. Si les dernières quarante-huit heures ont compté leur lot de surprises, déceptions et confirmations, l'affiche de ce dimanche 24 août s'annonce comme la plus copieuse et excitante du cru.

Après une première apparition en première partie de Rage Against The Machine il y a quelques années,
Blood Red Shoes se produisent ainsi pour la seconde fois sur la Grande Scène dès 14h35. Proches l'un de l'autre au centre de la scène, Laura-Mary Carter et Steven Ansell débarquent tout sourire avant de prendre place derrière leurs instruments et débuter leur set avec un instrumental teinté de punk,
Welcome Home. Une entame réveillant ainsi instantanément la fosse alors que se profile leur single phare,
I Wish I Was Someone Better, et l'efficace
Don't Ask. Habitués à se produire sur les scènes de toutes tailles, les deux ne musiciens originaires de Brighton ne baisseront à aucun moment les bras aujourd'hui, délivrent douze titres dont un tiers extrait de leur dernier album éponyme. Si le tout ne manque pas d'énergie, c'est lorsque le duo se décide à laisser une place plus grande aux mélodies (
Light It Up, This Is Not for You) qu'il se montre le plus convaincant, quant bien même le détonnant
Je Me Perds en fin de set offre une sortie toute aussi bruyante que l'entame quelques quarante minutes plus tôt.

Après quelques centaines de mètres parcourus pour rejoindre la scène Pression Live, nous retrouvons les anglais de
To Kill A King en passe de créer la surprise du jour. Séduit par leur folk à tendance électrique et un clavier omniprésent, le public ne cesse de croître alors que les compositions s'enchaînent sans jamais perdre en qualité ou en rythme. Affichant une joie certaine de se produire, les cinq musiciens, menés par le chanteur Ralph Pelleymounter à la bonne humeur communicative, profitent de ce début de journée ensoleillé pour se faire un nom et dévoiler toutes les qualités de leur album
Cannibals With Cutlery réédité l'année passée par Xtra Mile Recordings après avoir notamment accompagné Frank Turner en tournée. Assurément l'une des belles découvertes scéniques du week-end.
Une petite heure plus tard, alors que Fat White Family effectuent leurs débuts à Paris au même moment, les très attendues américaines de
Warpaint sont quant à elles de retour quelques huit mois après la sortie de leur second album éponyme. Du fait de leur popularité croissante, le public leur faisant face aujourd'hui est important, renforçant sans doute la timidité se dégageant des quatre musiciennes durant les premières minutes. Constituée de sept titres seulement pour une cinquantaine de minutes, leur setlist du jour puise dans l'ensemble de leur discographie et se base aujourd'hui sur une progression constante du rythme, Emily Kokal et Theresa Wayman, à tour de rôle investies du rôle de chanteuse, se montrant plus décomplexées au fil des minutes. Le populaire
Love Is To Die marque ainsi un tournant dans leur prestation avant que
Disco//Very et sa ligne de basse entêtante ne fasse enfin remuer la fosse. Leurs compositions psychédéliques et aériennes prennent alors leur envol en fin de set avec un
Elephants étiré durant plus de dix minutes, le jam instrumental plus électrique accompagnant leur sortie de scène se plaçant parmi les meilleurs moments de cette dernière journée. Les quatre demoiselles n'ont assurément pas fini de nous surprendre et charmer.

Place au punk sur la Scène de l'Industrie quelques minutes plus tard pour le retour de
Brody Dalle dans la capitale afin de présenter son premier album solo paru au printemps dernier. Quelque peu perdue de vue depuis la publication de l'unique disque de son projet Spinnerette en 2009, la musicienne originaire d'Australie avait présenté récemment un nouvel univers plus pop et marqué par de surprenantes expérimentations. Accompagnée aujourd'hui sur scène par trois musiciens, incluant le guitariste Tony Bevilacqua lui aussi issu de The Distillers, la musicienne a choisi de se débarrasser de tout effet superflu dans la configuration live. Compositions bruitistes, chant criard et écorché, la brune devenue blonde démontre durant quarante-cinq minutes menées pied au plancher qu'elle n'a rien perdu de son énergie d'antan. Si son album
Diploid Love sert de base à sa prestation, pas moins de cinq reprises des Distillers vont être proposées pour le plus grand bonheur des nombreux fans de longue date présents ce jour.
Dismantle Me, Coral Fang ainsi que l'inespéré
Hall Of Mirrors font ainsi remuer un public s'en donnant à coeur joie alors que des versions plus directes de
Meet The Foetus/Oh The Joy et
Rat Race reçoivent elles aussi un excellent accueil. L'un des concerts les plus explosifs de cette édition 2014.
Un véritable show à l'américaine se prépare dans la foulée sur la Scène de la Cascade avec la venue de
Janelle Monáe. Avec une scène décorée de toute part avec différents visuels noirs et blancs, une pléiade de musiciens et choristes, mais aussi des chorégraphies travaillées et de l'énergie à revendre, l'américaine ferait presque passer la musique au second plan. Car si sa soul teintée de multiples influences ne manque pas de conquérir et captiver de nombreuses personnes en ce dimanche, l'aspect débridé de la majorité des compositions, souvent étirées à l'envie, transforme trop souvent le concert en un spectacle au sens propre. On préférera retenir de la musicienne une fougue certaine, un univers personnel unique et une véritable maîtrise de ses capacités vocales, lesquels auront fait de la petite heure passée en sa compagnie un moment à part.
Un autre spectacle, plus triste celui-ci, va alors se jouer quelques centaines de mètres plus loin, sur la Grande Scène, en présence de
Lana Del Rey. Devenue une pop star mondialement connue en l'espace de deux ans, l'américaine va ainsi nous livrer aujourd'hui une parodie de concert. Si l'ensemble des festivaliers, fans ou curieux, semble être réunis à cet instant précis au même endroit à la vue de l’impressionnante foule se massant face à elle, beaucoup observent amèrement le spectacle se jouant devant eux. Avec un groupe de quatre musiciens ne dépassant guère le rôle de figurants et un chant accompagné, pour ne pas dire remplacé, par des pistes pré-enregistrées, Lana Del Rey ne semble tout simplement pas à sa place aujourd'hui. Agaçante de par ses multiples mimiques et poses, s'aventurant dès le second titre au pied de la scène pour collecter des présents et embrasser ses fans, la musicienne se présente dénuée de toute spontanéité aujourd'hui. Certes ses titres les plus connus, à commencer par
Blue Jeans, Born To Die ou le tube planétaire
Video Games provoquent un sursaut dans le parc de Saint-Cloud, mais à quel prix ? Une prestation lisse, sans saveur et indigne de son statut.

Très féminine, l'affiche de cette troisième journée va connaître l'un de ses temps fort dans la foulée sur la Scène de la Cascade avec
La Roux, de retour après plusieurs années d'errances avec son second album
Trouble In Paradise. Désormais accompagnée par pas moins de quatre musiciens (batterie, guitare, basse et claviers), la jeune chanteuse anglaise semble métamorphosée face au public nombreux attendant de pouvoir se trémousser. Désormais totalement décomplexée et affichant de multiples sourires, Elly Jackson arpente la scène et se démène sans cesse tout au long de son set. Si ses tentatives de communication se veulent brèves, c'est pour mieux laisser la place à un répertoire devenu plus homogène avec l'ajout de ses récentes compositions. Sa voix si caractéristique est ce soir parfaitement en place, et ce dès l'entame avec
Let Me Down Gently, et ne faiblira à aucun moment.
Kiss And Not Tell, Tropical Chancer ou encore
Uptight Downtown recueillent ainsi un accueil positif, tout comme un
Silent Partner jubilatoire en fin de prestation, mais ce sont bel et bien les extraits de son premier album éponyme que beaucoup attendent ce soir.
Quicksand et
In For The Kill seront ce soir les plus à même de faire se mouvoir la foule, alors que son
Bulletproof final verra son refrain repris en choeur par un public surchauffé à l'approche de 22h. Il faudra à n'en pas douter sur compter sur La Roux dans les prochains mois.

Alors que Kavinsky s'apprête à interpréter son Outrun à quelques dizaines de mètres de là, de nombreux festivaliers se sont réunis face à la Grande Scène pour assister au concert de
Queens Of The Stone Age. Après avoir rempli successivement deux fois la salle du Zénith lors de leur dernière venue en date dans la capitale, les américains menés par un Josh Homme à l'assurance évidente vont délivrer pendant plus d'une heure un show à l'américaine soutenu par un imposant dispositif visuel. Lancé sur de bons rails avec
You Think I Ain't Worth A Dollar, But I Feel Like A Millionaire et leur titre le plus populaire,
No One Knows, leur set va malgré tout connaître un temps mort dommageable de près de trente minutes avant que les américains ne trouvent leur rythme de croisière dans la foulée de
Feel Good Hit Of The Summer et
The Lost Art Of Keeping A Secret. Un set à l'évidence bien rodé mais parfois inégal, en dépit de l'accélération finale avec les très attendus
Go With The Flow et
A Song For The Dead.
Avec trois journées complètes et 120 000 personnes accueillies, record qu'il sera désormais difficile de faire tomber pour les organisateurs, le festival Rock en Seine aura tenu ses promesses cette année. Si l'on préférera oublier les prestations insipides de Clean Bandit ou Lana Del Rey, on retiendra a contrario de nombreux motifs de satisfaction : la démonstration de Portishead, les confirmations des potentiels de Warpaint, Giana Factory ou La Roux, ainsi que l’avènement de Royal Blood.