Le festival Primavera Sound investit à nouveau la ville de Porto pour une édition qui s'annonce mémorable avec son lot de tête d'affiches et de petits groupes à découvrir. C'est dans le Parque Da Cidade, au niveau du bord de mer, que se dressent les quatre scènes dont trois au beau milieu du gazon. La grande scène se situe quant à elle sur le goudron, rappelant vraiment les installations de l'édition barcelonaise du festival. Le Primavera Sound Porto a néanmoins la réputation d'être plus tranquille que celui de Barcelone, avec plus de place pour s'asseoir dans l'herbe et plus de tranquillité pour profiter des concerts.

C'est bien le cas dès l'ouverture de l'événement avec le concert des australiens de
Royel Otis. Avec des refrains catchy et des mélodies efficaces, le quatuor de Sydney est le groupe parfait pour nous mettre dans l'ambiance ensoleillée d'un début de festival. Influences pop sur guitares punk, distorsions fragiles, voix criardes parfois doublée des deux chanteurs, il ne reste qu'à danser. La formule magique agit sur le public du Primavera Sound Porto avec une mémorable version de
Fried Rice qui nous fera nous envoler bien haut. On retiendra la reprise de Sophie Ellis-Bextor,
Murder On The Dancefloor, surprenante mais imparable dans le genre de chansons que tout le monde connaît par cœur (parfois sans le vouloir). Un ascenseur d'émotions qui se termine tout en haut.

D'anciens amis s'avancent sur la scène du festival puisque les les New-Yorkais de
Blonde Redhead font bondir notre cœur dès leur apparition. Cela faisait longtemps, et comment ne pas essuyer une larme devant ce groupe qui a marqué toute une période de l'histoire de la musique ? Comme souvent avec eux, chacun est un peu dans son coin : Kazu Makino cachée sous sa casquette et son keffieh, et les jumeaux Amedeo et Simone tout en charisme. On frémit à chaque extrait de l'album
Misery Is A Butterfly comme sur
Falling Man qui est jouée d'entrée. La voix de Kazu se fait entendre dans un souffle sur
Melody Exeriment, toujours parfaite et reconnaissable entre mille. Les tubes
Dr. Strangeluv et
23 font réagir le public avec ses guitares qui parviennent à se reconnecter à quelques sonorités noisy, malgré la tournure plus calme du groupe depuis plusieurs années. Kazu se libèrera finalement de son stress sur la fin du concert avec
Kiss Her Kiss Her en point de mire. Ses danses nous poussent à l'imiter et la connexion avec les jumeaux se fait enfin. Blonde Redhead, comme un groupe ultime qui ne déçoit jamais.

On se déplace sur la petite scène pour le groupe de pop expérimentale
Water From Your Eyes. Leur son planant entre rock psyché et pop noisy et folk rock va nous faire divaguer durant toute la durée du show. Entre pépites pop flottant haut dans les nuages et énervements krautrock accompagnés de grincements club, Water From Your Eyes ne choisissent pas, même si ce set sera un plus relax que les autres apparitions qu'on avait eu la chance de voir. On adore la voix monocorde de Rachel Brown qui parvient à une extirper une douceur d'une sonorité froide et angoissante. Les solos tendus et électriques nous emportent encore plus loin dans un concert qui aurait suffi à nous faire toute la soirée s'il avait duré des heures. Le groupe de New-York termine sur une très belle version de
14 et sa mélodie plaintive et mignonne à la fois. De l'eau des yeux, de l'eau de là-haut.
L'icône
PJ Harvey apparait ensuite sur la scène principale du festival avec un set résolument plus rock que ce que l'on a pu voir précédemment avec Poly Jean qui reste scotchée à sa précieuse guitare, élevant sa voix proche de la perfection bien au-dessus du lot. Le public de fans tombe immédiatement sous le charme, même si son dernier disque est mis en avant dans la setlist. Si le première partie du set fait la part belle aux parties contemplatives de sa discographie, la seconde moitié se fait plus énervée avec des passages rock grunge et des musiciens plus présents. Les titres de
To Bring You My Love ne sont pas oubliés, avec un impact fort sur le public qui n'en attendait pas moins et en ressort conquis. PJ Harvey est toujours la reine du rock.

On essaye de bien se placer pour le show tant attendu de
Mitski et son fan-club en furie. On l'avait vue il y a sept ans dans ce même festival dans un quasi anonymat mais TikTok est passé par là : elle est désormais l'égérie d'une génération. Il est très cool de voir une génération Z s'émouvoir devant ce style musical entre folk, rock et pop indé, car Mitski va rester dans une certaine douceur, exit les grosses guitares de
Your Best American Girl. Même les passages synthétiques de l'album
Laurel Hell se voient adaptés dans un style plus minimaliste introspectif. La chanteuse se trouve sur une estrade carrée, baignée par des douches de lumières qui l'entourent. Elle propose des chorégraphies au ralenti sur tout le concert : tout cela étant extrêmement physique à réaliser mais d'une beauté subjuguant. Son set est l'un des plus longs du festival et va voir s'enchaîner les meilleurs passages de ses derniers disques. Évidemment, le public connaît par cœur les quelques titres qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux et moins les autres. Un phénomène de one-hit wonder moderne. Sa voix fragile et écorchée à la fois nous émeut, autant sur
My Love Mine All Mine que
Love Me More. Et que dire de la chorégraphie des chaises, n'en parlons pas. On a enfin pu revoir le phénomène Mitski depuis son explosion, plus consensuel mais toujours mémorable.
La soirée se termine tranquillement avec le gros show à l'américaine de
SZA sur la grande scène du festival. Tubes de R&B, danseuses et light show impressionnant sont de mise. On admire de loin et on se laisse embarquer par ce déchainement de folie. On restera ensuite pour
American Football, programmés beaucoup trop tard pour ce style musical introspectif qui aurait mérité une fin d'après-midi ensoleillée. Le groupe aura déjà consommé le calice jusqu'à la lie, ne faisant que peu d'impression.
On retiendra les géniaux concerts de Mitski, Blonde Redhead et Water From Your Eyes : au final, trois groupes avec des femmes asio-americaines comme leader pour trois concerts excellent. Sans oublier PJ Harvey l'icône et Royel Otis pour et les nouveaux venus dans le game des festivals.