C'est l'été, Saint-Malo a connu il y a quelques jours un pic de température à plus de 32 degrés et il est fort probable que mon poncho de pluie camouflage flambant neuf ne me soit d'aucune utilité lors de la 32ème Collection Eté de la Route du Rock (erratum : entre temps, la pluie s'est invitée – et pas qu'un peu – le vendredi soir). C'est l'été et à peine avait on le temps de se réjouir que quelques millions d'électeurs retrouvent le chemin des urnes après avoir réécouté
Porcherie de Bérurier noir, que déjà l'ultra-droite anglaise organisait des ratonnades d'une violence dont même les pires racailles du GUD n'auraient osé rêver. Bref, c'est l'été et le monde va mal.
C'est l'été et un DJ a évité que des joueuses de beach-volley n'en viennent aux mains en diffusant
Imagine au cours d'un match. Désormais, pour le monde entier, Air, Phœnix et Kavinsky représentent la musique française et Elon Musk se sent menacé par Katerine, ce dangereux schtroumpf nudiste. C'est l'été et après avoir prédit pendant des mois un cataclysme à la Paco Rabanne, finalement les Jeux Olympiques, c'était bien, c'était chouette, à tel point que personne n'a rien trouvé à redire sur la manière dont Anne Hidalgo a agité le drapeau olympique lors de la cérémonie de clôture, a par peut être Madame Dati. Bref, c'est l'été et le monde ne va pas si mal.
C'est l'été et qu'aime-t-on par-dessus tout en cette période ? Léon Marchand ? Oui, mais non. Féfé Lebrun, l'adolescent qui nous a fait vibrer et sauter de joie comme si nous venions de gagner la coupe du monde de football ou recevoir un mois avant tout le monde le nouvel album de Fontaines D.C., et ce pour une troisième place à un concours de ping-pong ? Oui aussi, mais non aussi. Renaud, Elisabeth Lévy et ma sœur auraient trouvé la réponse plus vite que vous. Ce qu'on aime par-dessus tout l'été, c'est l'apéro !
L'apéro concocté en ce mercredi 14 août par la Route du Rock pour sa traditionnelle soirée d'ouverture dans la salle de la Nouvelle Vague nous faisait saliver d'avance. Au menu de cette triple affiche, il y en a pour tous les goûts, sauf le mauvais. On se doit de souligner la pertinence de cette programmation mettant en avant des artistes relativement confidentiels mais jouissant d'une forte reconnaissance artistique due à leurs univers singuliers.
Le line-up du soir s'étale sur trois « continents » géographiques et musicaux très différents. L'Europe est représentée par la divine danoise ML Buch dont le style inclassable « associe des schémas pop intimes à des paysages sonores électroniques exploratoires » (source : Super! car on n'a pas trouvé mieux pour le décrire), l'Amérique du Nord par les canadiens d'Alberta, GHOSTWOMAN qui petit à petit s'imposent comme une valeur montante, voire sûre, du rock garage psychédélique et enfin le Royaume-Unis, par les furieux Chalk, venus tout droit de Belfast et auréolés d'une fort logique étiquette de « Next Big Thing » grâce à leur Berghain Rock comme aime à le décrire Ross Cullen, chanteur du groupe et réalisateur oscarisé, qui les distingue au sein de la nouvelle vague électro rock.
1. Mise en ML Buch
Si vous aimez les expérimentations de Dean Blunt, la grâce austère et altière d'Anika ou la mélancolie neurasthénique de Tirzah, vous allez adorer ML Buch qui, avec sa compatriote Astrid Sonne, est peut-être en train de créer un nouveau courant musical, la Danish Touch, une pop minimaliste et arty qui pourrait ressembler à ce qu'aurait fait Nico si elle était signée sur le label Warp. Habillée d'un costume d'homme oversized, comme Redcar, the artist formerly known as Christine and the Queens, ou Noga Erez, la chanteuse Israélienne qui sera toujours la bienvenue sur toute les scènes françaises, ML Buch lance le festival de la plus belle des manières et parvient à capter immédiatement l'attention d'un public venu nombreux dès l'heure d'ouverture. Seule sur scène, chantant, jouant de la guitare, du piano, des cymbales et du MacBook Pro, la danoise sait tout faire. Depuis la sortie de son premier album
Skinned il y a quatre ans, on écoutait sa musique en boucle, quel bonheur de pouvoir enfin l'entendre IRL.
2. GHOSTWOMAN réveillent les fantômes du passé
Même si je dois avouer que tel mon mentor Thierry Roland j'ai parfois l'impression que rien qui ne ressemble plus à un groupe de rock psychédélique qu'un autre groupe de rock psychédélique, force est d'admettre que GHOSTWOMAN, originaires de la région d'Alberta au Canada, en proposent une des versions les plus intéressantes de ces dernières années. Le groupe a été créé en tant que projet solo d'Evan Uschenko avant qu'Ille Van Dessel, batteuse et co-compositrice, ne le rejoigne et petit à petit est parvenu à gagner la reconnaissance de ses pairs, de la critique et d'un public de connaisseurs en arpentant les routes et les scènes, notamment aux côtés de King Gizzard & The Lizard Wizard. Un chanteur guitariste et une batteuse, cette formule a déjà fait ses preuves et à deux sur scène GHOSTWOMAN envoient autant la sauce qu'un big band et déroulent leur rock d'antan mais jamais passéiste avec une bonne humeur contagieuse. It's only rock and roll, but we like it.
3. Chalk passent au tableau
Si depuis le début de la soirée on entend autant parler anglais dans la salle comme au bar, surtout au bar d'ailleurs, il y a une bonne raison et celle-ci s'appelle Chalk. Encore peu connu en France, sauf pour vous qui ne loupez aucune de nos playlists mensuelles ni la moindre de nos chroniques d'EPs, le groupe se déplace hors de ses frontières, suivi d'une armée de fans britanniques. Dans cette nouvelle scène mêlant sans se soucier de quelconques chapelles guitares rock et beats électroniques, on voit certains groupes s'égarer à tenter de marier ensemble trop de genres différents et qui à chercher à se singulariser à tout prix finissent par perdre en personnalité. Mais avec Chalk, « no fear », leurs deux premiers EP,
Conditions et
Conditions II, ainsi que leurs prestations scéniques, sont marqués du sceau des futurs grands. Ils ont le style, ils ont le charisme, ils ont le son et après avoir retourné La Nouvelle Vague de Saint-Malo, la prochaine étape pourrait bien prendre la forme d'un tsunami.
Je ne sais pas pour vous mais moi cet apéro m'a mis férocement mis les crocs. Cela tombe bien car dès demain on passe à table pour la première journée de la Route du Rock, Collection Eté 32 et je crois que l'équipe du festival nous a préparé un sacré festin.
Crédit photographies : Titouan Massé