Jour 3 – Le Grand Soir
Malgré l'annulation de Lava la Rue, cette troisième et dernière soirée demeurait sur le papier celle qui nous excitait le plus et affichait le plus de « gros noms ». Avec du grime, de l'indie rock, de la pop à toutes les sauces qu'elles soient power ou électro, du punk queer et une after haute en couleurs, le menu s'annonce aussi copieux que savoureux. Conséquence directe, les gastronomes musicaux et les badins des soirées du samedi soir affluent en masse. Il va donc falloir jouer des coudes pour se faufiler dans des salles bondées et ne rien rater du festin annoncé. Vous avez préféré rester confortablement au chaud à la maison ou étiez au Stade de France pour voir les bleus d'Antoine Dupont enchainer les uchi-mata face au Japon ? Ne vous inquiétez pas, nous avons pris notre courage des oiseaux à deux mains pour affronter le vent glacé et vous ramener un copieux doggy bag livré à domicile en espérant que vous allez vous régaler presque autant que nous. À table !
Acte 1 : BLACK FONDU – Jeune et Sonique
On attendait le concert de
BLACK FONDU avec autant d'impatience que la première raclette de la saison. Nous n'avons pas été déçus et avons reçu dès l'heure de l'apéro notre première raclée de la soirée. Reggie, l'homme derrière BLACK FONDU, n'a sorti que deux titres mais le londonien de vingt ans, natif d'Accra au Ghana, électrise déjà la scène hip-hop alternative anglaise avec son abstract-grime combinant instrumentations noisy, électro-glitch et flow hip-hop agressif rappelant les premiers pas d'un certain JPEG Mafia. Malgré un set très court au dispositif minimaliste (seul en scène sur fond noir et lumière blanche) qui aurait pu faire de ce premier acte une simple mise en bouche, le jeune Reggie réussit l'exploit d'offrir en moins d'une demi-heure la meilleure prestation à Paris d'un Ghanéen depuis Michael Essien, il y pile vingt ans en novembre 2004 lors d'un match de football PSG-OL.
Acte 2 : Borough Council – Victimes de la rumeur
On a parié gros sur
Borough Council depuis la sortie en début d'année de leur single
Casino chez Speedy Wunderground, le label de Dan Carrey (Fontaines D.C., Squid, black midi, Wet Leg...). Malgré une production studio famélique, le trio en provenance de Hastings (sa station balnéaire, son port de pêche, son château pris par Guillaume le Conquérant, français devenu roi d'Angleterre) s'est taillé une sacrée réputation scénique. Mais dès les premières notes du morceau d'ouverture, une rumeur se propage selon laquelle la Mécanique Ondulatoire serait en train de se remplir à la vitesse grand V suite à une rumeur se propageant dans tout Bastille selon laquelle Chloe Slater (Chloe qui ça ? Slater, car Chloe Qisha joue à la même heure mais au Café de la Danse) serait l'artiste qu'il faut voir ce soir. Nous nous conterons donc de deux titres et demi de Borough Council dont la prestation un peu timide ne nous invite pas à sacrifier le concert suivant.
Acte 3 : Chloe Slater et The Hitch – Désolé, ça ne va pas être possible ce soir
Notre plan se déroule jusqu'ici sans accros et en vieux routiers des soirées Avant-Garde du Festival, on sait désormais comment ne jamais se faire refouler à l'entrée du salle affichant complet. Complet, la Mécanique Ondulatoire ne l'était pas encore officiellement à notre arrivée mais nous sommes restés bloqués à l'entrée de la cave. Nous avions le son (ça avait l'air bien) mais l'absence totale de visibilité et la chaleur moite du petit sas nous ont fait renoncer à
Chloe Slater et par la même occasion à
The Hitch qui s'y produisaient ensuite.
Acte 4 : Ugly – Same Country, New Road
Dans un Supersonic rempli à craquer,
Ugly, quintet originaire de Cambridge, auront offert une prestation aussi magnétique qu'intense. Porté par leur excellent premier EP
Twice Around The Sun, sorti en avril dernier suite à huit années de préparation, le groupe puise dans des sonorités mêlant post-rock, musique chorale, rock et folk 60's-70's ainsi qu'une pointe de jazz, construisant des morceaux riches et inattendus. Leurs compositions se distinguent par une écriture complexe, où des lignes de guitare mélodiques croisent des rythmiques syncopées et un chant tantôt plaintif, tantôt exalté, dans la lignée de Black Country, New Road. Sur scène, l'alchimie du groupe est saisissante : chaque note semble pensée pour plonger le public dans une immersion totale. Le Supersonic, médusé, a vécu un moment suspendu, entre frissons et fascination. Ugly démontrent encore une fois la capacité de la scène indie britannique à surprendre et se renouveler.
Acte 5 : GRLWood – Kentucky fried queerdo
Quelques minutes seulement après la prestation d'Ugly, le Supersonic a basculé dans un tout autre registre avec
GRLWood, duo explosif venu de Louisville, Kentucky. Caractérisées par leur mélange furieux de punk, grunge et pop subversive, Rej Forester (guitare, chant) et Karen Ledford (batterie) ont littéralement électrisé la salle. Leurs albums regorgent d'hymnes provocateurs et cathartiques qui abordent des thématiques aussi variées que la sexualité, l'identité et le féminisme. Sur scène, leur énergie brute et leur humour acerbe font des étincelles : entre riffs dévastateurs, percussions martelées à toute vitesse et cris libérateurs, le duo provoque une euphorie collective où pogos déchaînés et sourires complices se mêlent dans une ferveur contagieuse. Un set à la fois cathartique et jubilatoire, véritable tour de force scénique.
Acte 6 : Soyoon b2b Belaria (after party) – Club Classics
Afin de clôturer le festival comme il se doit, l'équipe nous a concocté un back to back (to back, to back, to back...) aux petits oignons avec deux valeurs montantes de la musique électronique hexagonale en guise d'afterparty au Trabendo. À ma gauche,
Belaria, productrice et DJ française, résidente du Badaboum (Paris), membre du collectif Friendsome, souvent vue aux côtés de nos girls sures Barbi(e)turix (allô, non mais allô quoi, t'es une fille qui aime les filles et t'es jamais allée à une de leurs soirées Wet for Me ?). À ma droite,
Soyoon, productrice et DJ originaire de Seoul, vivant en France, résidente du Macadam (Nantes) et du Mihn Club (Hong Kong). Dans un Trabendo plein à craquer et aussi chaud que moi à un concert de Rosalia, les deux artistes nous livrent un DJ set d'anthologie sous haute influence 80's et 90's (EBM, dark disco, italo disco, techno...), aussi vibrant et galvanisant qu'un tour de piste au volant d'une Ferrari Testarossa intérieur queer ou qu'une soirée au Pulp, le club qui permettait à la fin du dernier millénaire, un jeudi par semaine, aux garçons de déconstruire leur masculinité toxique tout en perdant quelques points de vie.
Smack My Bitch Up de The Prodigy et
Hey Boy Hey Girl de The Chemical Brothers, il est temps pour moi de vous dire « A l'année prochaine ! ».