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The Jim Jones Revue

Interview publiée par Julien Soullière le 28 septembre 2010

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A l'occasion de la sortie de Burning Your House Down, entretien décontracté avec les deux têtes pensantes de l'hydre rock'n'roll qu'est The Jim Jones Revue, Jim Jones et Rupert Orton. L'occasion rêvée de mieux comprendre un groupe qui ne nous veut que du bien, et dont la musique, faite de sueur et de cris, nous renvoie aussi bien aux bayous de Louisiane qu'aux santiags d'Elvis.

J’ai assisté au concert que vous avez donné hier soir dans le cadre de L'Album de la Semaine de Canal+... mais où diable puisez-vous cette énergie ?

Jim : Elle ne résulte ni plus ni moins que du groupe lui-même. Au final, tous autant que nous sommes, nous avançons dans la même direction, avec une seule et unique finalité : donner tout ce qu'il est humainement possible de donner. De toute façon, cette musique ne peut pas fonctionner si tu n’es pas dans cet état d’esprit. Si tu ne l’abordes pas sous cet angle, tout ce que tu feras ne sera qu’une blague, un pastiche, un vulgaire trip mélancolique. Y mettre toute ton énergie, au contraire, ça te permettra de faire la différence, de passer un message qui soit compréhensible et pertinent aux yeux des gens.
Rupert : Et puis c’est une musique excitante ! En retour, elle nécessite que toi aussi tu fasses transparaître cette énergie en l’exécutant. Sans ça, comme Jim le dit, ça ne peut pas marcher. Il faut y aller franchement, sauter dans tous les sens, ne pas hésiter à mettre son corps à contribution, de manière à ce que cette énergie soit transmise à la foule. Les groupes de rock actuels ont peut-être tendance à oublier ça.

En parlant d’énergie, votre musique ne laisse effectivement que peu de répit à vos auditeurs. Vous n’éprouvez jamais le besoin d’ajouter un soupçon de douceur dans votre monde de brutes ?

Jim : En réalité, je pense qu’il y en a déjà. Notre musique contient une réelle agressivité, certes, mais dans le fond, elle est surtout extrêmement positive. On ne pousse pas les gens à mettre la planète à feu et à sang, et on ne fait pas partie de ceux qui passent leur temps à dénigrer l’époque dans laquelle ils vivent. Le blues ou la soul, dont nous tirons principalement notre inspiration, sont là pour rappeler que si le quotidien peut parfois être difficile, il est malgré tout possible d’apprécier la vie pour ce qu’elle est.
Rupert : Vivre est une chose fabuleuse, et il n’y a rien de bon à tirer d’un négativisme forcené: s’entêter à dire que rien ne vaut le coup, et que la seule solution est de mettre fin à ses jours, franchement, à quoi bon ? Une musique, même si elle fait preuve d’une certaine agressivité, peut constituer une expérience foncièrement positive, en ce sens où elle transporte celles et ceux qui l’écoutent loin de leurs soucis.

Vous avez quand même intitulé votre dernier album Burning Your House Down ! Et dire que l’an dernier, vous vouliez sauver nos âmes (ndlr : Here To Save Your Souls est le titre de la compilation de singles sortie en 2009)...

Rupert : Bien vu (rires) !
Jim : Très drôle (rires) ! Évidemment, il ne faut pas prendre ce titre au pied de la lettre. Il faut plus y voir une analogie avec le mythe du buisson ardent : avec ce nouvel album, nous voulons faire passer un message très clair aux gens, à savoir que nous sommes toujours dans le coin.
Rupert : Quand le groupe s’est formé, nous avions l’idée de prendre le meilleur du rock'n'roll, des années 50 à nos jours, et de combiner tous ces éléments pour qu'en résultent de nouvelles compositions. En fait, nous avons voulu rebâtir quelques chose à partir des cendres laissées ici et là par le rock'n'roll, d'où une autre interprétation du titre de l’album.

Trois ans, trois albums... vous êtes plutôt prolifiques ! Au final, que représente réellement la musique pour vous ?

Rupert : J’ai toujours un peu de mal à répondre à cette question. Dans les années 50s ou 60s, certains artistes pouvaient sortir jusqu’à deux albums par an ! On peut parler chiffres bien sur, mais la vérité c’est que les choses se font d’elles-mêmes. La musique est un réel plaisir pour nous, elle fait partie de notre quotidien, et nous ne faisons aucun calcul. La chose importante, c’est de toujours faire en sorte d’être aussi naturel et immédiat que possible : si l’album est enregistré, il faut qu’il sorte, point. Le piège, c’est de s’enfermer dans une trop longue période de gestation. Rappelle-toi, nous avons enregistré notre premier album en seulement deux jours, suite à quoi il est sorti. Il est vrai qu'à l'époque nous avions des problèmes d’argent, mais au final nous en avons toujours (rires) !

Comme vous le dites souvent, vous cherchez à retranscrire du mieux possible l’esprit originel du rock'n'roll : en quoi cette démarche se révèle-t-elle pertinente à notre époque ?

Jim : Je ne pense pas que cette musique s’adresse à une génération plus qu’à une autre, en ce sens où elle n’est pas régie par un quelconque effet de mode. A l’origine, elle est née de la rencontre entre les musiques noires et blanches, et de cette rencontre a résulté une chose intemporelle, compréhensible immédiatement et par tous. A mon sens, c’est là la véritable force du rock'n'roll : il nous parle à tous, puisqu’il réveille les instincts les plus primaires de l’être humain. Alors c’est vrai, à l’heure actuelle, certains ont peut-être mis un peu trop d’eau dans leur vin, et de fait, ont perdu l’esprit originel du rock'n'roll. Mais cette force est bien réelle, crois-moi. Tu sais, la première fois que nous avons joué ensemble, nous avons repris le titre Hey, Hey, Hey de Little Richard. C’est un morceau qui nous tient à cœur, parce qu’il représente tout ce que nous aimons dans cette musique. Je me rappelle que dès que nous avons commencé à le jouer, ce morceau nous a littéralement emportés ailleurs. Une force indescriptible s’est emparée de nous, un peu comme si nous avions ouvert la boîte de Pandore, tu vois ce que je veux dire ? Au final, le rock'n'roll, c’est une boîte qui délivre un truc assez magique quand tu te décides à l’ouvrir.

J'imagine que cette question vous est souvent posée : qu’avez-vous à répondre à celles et ceux qui vous taxent de passéistes ?

Jim : Une chose très simple. Depuis le début, nous nous efforçons de suivre les traces laissées derrière eux par les groupes qui nous ont précédés. En te laissant guider par ces indices, tu peux remonter jusqu’à la source de l’énergie, ceci afin de mieux la comprendre. Aujourd’hui, nous laissons derrière nous nos propres traces, pour que les générations futures puissent à leur tour retrouver l’esprit originel du rock'n'roll. C’est une démarche, je pense, qui est assez louable, non ? De plus, notre musique parle de choses tout à fait actuelles : nous écrivons sur les tracas du quotidien, et aussi sur le fait qu’il est possible de passer outre. Les groupes ont parlé de ce genre de choses il y a vingt ou trente ans, et continueront d’en parler dans les années qui viennent. Il y aura toujours de la pertinence là dedans, peut importe l’époque.
Rupert : Exact. Et à celles et ceux qui disent que nous vivons dans le passé, j’aimerais leur dire une seule chose : venez à l’un de nos concerts, venez-voir ce que peut vous procurer le rock'n'roll !

Little Richard, Jerry Lee... certaines de vos plus grandes références sont connues, mais qu'en est-il des groupes et artistes actuels ? Lesquels trouvent grâce à vos yeux ?

Rupert : Grinderman, Eagles Of Death Metal, Murray Head... rien de très underground là-dedans, je te l’accorde, mais nous les aimons beaucoup.
Jim : Nous sommes aussi très à l’écoute de ce que fait Jack White. C’est quelqu’un qui a de l’intégrité, et qui, malgré son succès, continue de faire les choses comme il le sent, en essayant d’amener son art toujours un peu plus loin. Il fait son truc dans le respect de la musique et ça n’a jamais rien à voir avec l’argent : il est du genre à aller jouer dans des endroits improbables, là où personne ne va jamais, simplement parce qu’il aime ce qu’il fait. Il est très humain, et les gens apprécient beaucoup cela, je pense. Et puis, comme nous, c’est un grand amateur du blues.
Rupert : Oui, c’est vrai. J'ai oublié de mentionner The Paladins, un groupe de San Diego, probablement peu connu encore. Nous avons assisté à un de leurs concerts dernièrement, et c’était vraiment plaisant. Mike Sanchez aussi, qui est un pianiste extraordinaire. Et puis bien d’autres encore !

En règle générale, le rock, un peu comme le punk d’ailleurs, est synonyme de révolte, voire de révolution. Y’a-t-il une quelconque volonté politique chez The Jim Jones Revue ?

Jim : Oui, je vois de quoi tu parles. La classe prolétaire qui se soulève, et tout ce genre de trucs... honnêtement, si notre musique comporte un aspect politique, alors il n’est en rien significatif.
Rupert : Même au regard de l’industrie du disque, nous n’avons pas de message politique fort à passer. Je veux dire, à une époque où tout semble sous le contrôle des labels et des médias, où l’artiste semble dépossédé de ses droits les plus basiques, il est rafraichissant de se dire que les choses peuvent changer, que rien n’est figé. Nous concernant, nous avons toujours eu le dernier mot sur notre travail, et nous avons toujours pu garder le cap que nous nous étions fixé. Au final, nous avons réussi à instaurer une relation de travail très saine avec notre label.
Jim : C’est la preuve qu’il n’est pas nécessaire de suivre les règles établies : si tu n’aimes pas l’ordre des choses, alors prends ces dernières en main, et commence à agir.

Jim, en quoi tes expériences au sein de Thee Hypnotics et Black Moses ont influencé ton travail avec The Jim Jones Revue ?

Jim : Elles m’ont permises, je crois, de mieux cerner le message que je voulais délivrer au travers de ma musique. Ceci dit, chaque membre du groupe possède sa propre expérience, sa propre histoire, et chacun est assez expérimenté au jour d’aujourd’hui pour apporter le meilleur à The Jim Jones Revue.

Parlons maintenant de votre nouvel album: comment s’est déroulé l’enregistrement de Burning Your House Down ?

Jim : Très bien... cela dit, le processus n’a pas été très différent de ce que nous avons connu lors de l’enregistrement des albums précédents. Il est vrai que l’environnement était meilleur, et que les moyens mis à notre disposition étaient plus conséquents. Tu vois, sur ce disque, nous avons travaillé avec Jim Sclavunos, qui a notamment collaboré avec Grinderman et Sonic Youth, et son expérience a forcément été bénéfique. J’aime beaucoup notre premier album, mais le problème, c’est que tu pourrais difficilement le diffuser dans une boite de nuit et faire danser les gens dessus. Ça passerait très mal, car trop bruyant et brouillon à l’oreille. Pourtant, la musique doit te faire danser ! En conséquence, nous avons demandé à Jim Sclavunos de nous aider à rendre ce nouvel album plus dansant.
Rupert : Je pense aussi que ce qui était excitant avec ce nouveau disque, c’était de le voir comme un véritable album-concept. Du moins, nous l’avons enregistré dans cette optique. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il prend son sens en tant qu’unité : il y a un début et une fin, et les chansons s’imbriquent parfaitement les unes dans les autres. Nous avons réalisé tout un cheminement dont nous n’avions même pas conscience lors de l’enregistrement de notre premier album.
Jim: C’est un réel travail que nous avons accompli avec ce disque, une photographie de notre vie à un moment précis de notre carrière.
Rupert : Et c’est aussi un excitant album de rock'n'roll !

Les morceaux composés sont extrêmement courts, vous êtes du genre à vous ennuyer rapidement ?

Rupert : Comme nous le disions déjà, il n’y a aucun calcul de notre part. Sur cet album, c’est vrai, il y a peut-être deux titres qui dépassent les quatre minutes, alors que les autres en font tous moins de trois. Nous ne faisons que suivre le beat, celui-là même qui te transporte ailleurs.

A plusieurs reprises, vous avez déclaré que vos textes s’inspiraient de votre quotidien londonien. En quoi votre vie a-t-elle changé, et de fait, en quoi les thèmes abordés dans Burning Your House Down sont-ils différents de ceux discutés dans vos précédents disques ?

Jim : Notre vie n’a pas changé tant que ça ! Nous continuons à faire notre truc, à travailler dur pour que le résultat soit le meilleur possible.
Rupert : Nous vivons toujours aux mêmes endroits, nous avons toujours les mêmes habitudes, les problèmes de tout à chacun... nous nous inspirons de notre vie, de nos expériences.
Jim : Shoot First, par exemple, est tiré des leçons apprises à la suite de ruptures sentimentales notamment. Elle te rappelle que, dans la vie, tout ne se passe pas toujours comme tu le rêverais, de manière parfaite, et que c’est comme ça : il faut apprendre à vivre avec l’imperfection de ce monde, et saisir l’instant présent. Le plus important, au final, c’est que le message soit toujours positif.

Dernière question : si vous deviez définir, en un mot, ce qu’est The Jim Jones Revue aujourd’hui, que diriez-vous ?

Rupert : En trois mots, si tu veux bien : ROCK'N'ROLL (rires) !